D.585 – Le Salut – Peut-on le mériter ? Une fois acquis, peut-on le perdre ? – Chapitre 1

LE LIBRE CHOIX EXISTE-T-IL ?

Par Roch Richer

INTRODUCTION

« Prenez garde que personne ne vous gagne par la philosophie, et par de vains raisonnements conformes à la tradition des hommes et aux éléments du monde et non point à la doctrine de Christ. »

Colossiens 2:8

Très peu de gens prennent conscience que les doctrines autour desquelles se sont construites leurs églises dites chrétiennes ont été en grande partie influencées par les grands courants philosophiques de l’antiquité, principalement grecs et romains. L’apôtre Paul, qui a écrit cette mise en garde à l’adresse des frères et sœurs de Colosse, savait parfaitement de quoi il parlait, lui qui avait été instruit dans le judaïsme aux pieds de Gamaliel qui lui enseignait cette tradition des hommes – et que Christ avait pourfendue avec véhémence.

Nous pouvons relever un grand nombre de ces doctrines pseudo-chrétiennes qui polluent les églises et démontrer leur origine païenne. Dans la présente série de documents, nous allons plus particulièrement aborder la question du Plan de salut de Dieu pour les hommes, vaste sujet au centre de l’Évangile de Christ.

Comme l’on peut s’y attendre, il y a, au sein des églises, toutes sortes de sotériologies, c’est-à-dire, des conceptions de doctrines au sujet du salut et l’obtention de la vie éternelle. Mais les deux systèmes doctrinaux qui ressortent franchement du lot sont l’arminianisme et le calvinisme.

Nous commencerons par passer en revue ces théories en examinant leurs principales doctrines telles qu’elles se présentent dans leurs énoncés respectifs. Puis, nous allons relever les erreurs les plus flagrantes par rapport à ce que disent les Écritures en réalité.

CHAPITRE 1

L’arminianisme

L’arminianisme est un courant théologique protestant fondé au début du 17e siècle sur la base des idées du théologien néerlandais Jacobus Arminius, dont le nom d’origine était Hermann

       Jacobus Arminius

Armenzoon (1560-1609). Sa vision théologique exprimait une tentative de modération des doctrines du calvinisme, notamment sur l’interprétation de la prédestination.

Les vues arminiennes les plus centrales sont que la grâce divine, préparant la régénération, est universelle, et que la grâce justifiante, autorisant la régénération, est résistible, et donc, de par le libre-choix de l’homme, toute personne peut choisir, soit de résister à la grâce de Dieu, soit de lui céder. Jacobus Arminius rejeta la théorie de l’élection divine inconditionnelle calviniste. Il proposa plutôt une théorie de l’élection conditionnelle. Suite à son décès, les partisans d’Arminius rédigèrent une Remontrance (1618) comportant cinq articles exprimant leurs points de divergences avec le calvinisme plus strict de la ConfessioBelgica. En réplique aux cinq articles des Remontrants arminiens, les calvinistes émirent une publication portant le nom de Canons de Dordrecht (1618) composés de cinq points du calvinisme (T.U.L.I.P., dans leur appellation anglaise).

De nos jours, les partisans de l’arminianisme trouvent leur place dans un certain nombre de dénominations protestantes. Parfois, plusieurs autres théologies, comme le calvinisme, coexistent dans une même dénomination, sans doute dans le but de satisfaire à toutes les oreilles, ce qui démontre le flou théologique de ces églises.

Les cinq articles des Remontrants arminiens s’élaborent comme suit :

  1. Élection conditionnelle

Cet article rejette le fait que l’élection dans le Christ soit inconditionnelle. Il affirme plutôt que l’élection est conditionnelle à la foi en Christ et que Dieu choisit de sauver ceux qui, selon Sa prescience, auront foi en Lui.

  1. Expiation illimitée

Cet article rejette le principe de l’expiation limitée qui soutient que Christ n’est mort que pour ceux qu’Il a choisi de sauver, et affirme que le salut est destiné à tous (salut universel), mais se limite effectivement à ceux qui croient en Jésus-Christ.

  1. Dépravation totale

Cet article affirme que l’homme est sujet à la dépravation totale, c’est-à-dire qu’il est incapable de faire la volonté de Dieu et de se sauver par ses propres efforts, à moins que le libre arbitre ne soit libéré par la grâce prévenante de Dieu.

  1. Grâce prévenante et grâce résistible

Cet article rejette l’idée que la grâce justifiante de Dieu soit irrésistible. Il affirme qu’une fois que la grâce prévenante de Dieu a œuvré pour habiliter l’homme à croire, ce dernier peut résister à la grâce de Dieu en faisant usage de son libre arbitre.

  1. Préservation conditionnelle des saints

Cet article, plutôt que de rejeter catégoriquement la notion de persévérance des saints, affirme qu’elle est conditionnelle au fait que le croyant reste en Christ. Les auteurs ont explicitement déclaré qu’ils n’étaient pas sûrs de ce point et qu’une étude plus approfondie était nécessaire.

Entre 1610 et la procédure officielle du Synode de Dordrecht (1618), les Remontrants furent eux-mêmes pleinement convaincus que les Écritures enseignent que le vrai croyant est capable de se détacher de la foi et de périr éternellement en tant qu’incroyant. Ils formalisèrent leur point de vue dans l’Opinion des Remontrants (1618) qui fut leur position officielle durant le Synode de Dordrecht. Plus tard, ils exprimèrent cette même position dans la Confession de foi des Remontrants (1621).

Un des points principaux de divergence de l’arminianisme par rapport au calvinisme se trouve dans la conception de la souveraineté de Dieu. Le point de vue arminien sur la souveraineté de Dieu repose sur des postulats fondamentaux découlant de la nature de Dieu et de Son caractère, spécialement tel que révélé en Jésus-Christ. D’une part, l’élection divine doit être définie de telle sorte que Dieu ne soit en aucun cas, et ce même de façon seconde, l’auteur du mal. Cela ne correspondrait pas au caractère parfait de Dieu. D’autre part, la responsabilité de l’homme face au mal doit être absolument préservée. Ainsi, ces deux postulats requièrent que Dieu choisisse de manifester d’une manière spécifique Sa souveraineté en interaction avec Ses créatures. Cela demande, d’une part, que Dieu agisse selon un mode de providence divine limitée, c’est-à-dire, en exerçant délibérément Sa souveraineté sans prédéterminer chaque évènement. D’autre part, cela impose que l’élection divine soit de type « prédestination par prescience ».

De ce fait, la plupart des arminiens réconcilient le libre arbitre humain avec la prescience de Dieu de la manière suivante : Le libre arbitre humain est limité par le péché originel, bien que la grâce prévenante de Dieu rende à l’humanité la capacité d’accepter l’appel du salut de Dieu. La prescience de Dieu concernant l’avenir est exhaustive et complète, et donc l’avenir est certain et non subordonné à l’action humaine incertaine, ou contingence de l’homme. Dieu ne détermine pas l’avenir, Il le connaît. La certitude émanant de Dieu et la contingence humaine sont ainsi compatibles.

Ardent défenseur de l’arminianisme, le théologien Roger E. Olson a exprimé ces idées caractérisantes d’une manière concise et pratique :

« L’arminianisme […] est simplement un terme que nous utilisons en théologie pour désigner l’opinion défendue par certaines personnes déjà avant Arminius et de nombreuses autres après lui, selon laquelle les pécheurs qui entendent l’Évangile ont le libre arbitre pour accepter ou rejeter l’offre de la grâce de Dieu et que personne n’est exclu par Dieu de la possibilité du salut, à l’exception de ceux qui s’excluent librement. Mais le véritable arminianisme classique et historique inclut la conviction que ce libre arbitre est lui-même un don de Dieu par la grâce prévenante. »

Au sujet de la condition humaine, Arminius déclara que la dépravation de l’homme est totale. Suite à la chute d’Adam et Ève, « le libre arbitre de l’homme envers le véritable bien n’est pas seulement blessé, estropié, infirme, tordu et affaibli, mais il est aussi captif, détruit et perdu. Et ses forces ne sont pas seulement affaiblies et inutiles, à moins qu’elles ne soient assistées par la grâce, mais il n’a aucune sorte de forces à l’exception de celles suscitées par la grâce divine. »

Portée et nature de l’expiation

L’arminianisme affirme que l’expiation est destinée à tous : la mort de Jésus s’applique au monde entier, Jésus attire tout le monde vers Lui et tout le monde a la possibilité de recevoir le salut par la foi.

La mort de Jésus satisfait la justice de Dieu ; la peine pour les péchés des élus est intégralement payée par l’œuvre de Jésus à la croix. Ainsi, l’expiation de Christ est destinée à tous, mais nécessite que la foi soit effective. Arminius déclare que : « la justification, lorsqu’elle caractérise l’acte de jugement, est, soit une pure imputation de justice miséricordieuse […], soit l’homme est justifié devant Dieu […] selon la rigueur de la justice sans aucun pardon. » Arminius ne voyait que deux façons possibles de justifier le pécheur : 1) par notre adhésion absolue et parfaite à la loi ou 2) uniquement par l’imputation divine de la justice de Christ. Sur la condition de la foi, nous sommes placés en union avec Christ. Sur la base de cette union, nous recevons Sa mort et Sa justice.

L’arminianisme affirme le paiement substitutif de Jésus pour les péchés dont les effets sont limités aux Élus seuls. Arminius croyait en la nécessité et la suffisance de l’expiation du Christ par

Hugo de Groot qui prit ensuite le nom d’Hugo Grotius

substitution pénale. Hugo Grotius (1583-1645), théologien néerlandais partisan arminien, enseigna qu’elle était satisfaite d’une manière gouvernementale. En effet, il développa une vision particulière de l’expiation du Christ connue sous le nom de « théorie gouvernementale de l’expiation ». Il théorisa l’idée que la mort sacrificielle de Jésus s’était produite afin que le Père puisse pardonner tout en maintenant Son règne juste sur l’univers. Cette vue, qui fut développée par des théologiens tels que John Miley, est devenue dominante dans l’arminianisme wesleyen au 19e siècle.

Conversion de l’homme

Dieu prend l’initiative dans le processus du salut et Sa grâce s’adresse à tous. Cette grâce, souvent appelée « grâce prévenante » (ou pré-régénératrice) agit sur tous les peuples pour les convaincre de l’Évangile, les attirer fortement vers le salut et permettre la possibilité d’une foi sincère. Le théologien Picirilli déclara : « En réalité, cette grâce est si proche de la régénération qu’elle conduit inévitablement à la régénération si on ne lui résiste finalement pas ». L’offre de salut par la grâce n’agit pas de manière irrésistible, selon une méthode déterministe purement causale, mais plutôt selon une méthode d’influence et de réponse qui peut à la fois être acceptée ou refusée.

L’homme a un libre arbitre libéré pour répondre ou résister : le libre arbitre est accordé et limité par la souveraineté de Dieu, mais la souveraineté de Dieu permet à tous les hommes d’accepter l’Évangile de Jésus par la foi, tout en permettant à tous les hommes d’y résister.

La conversion est synergique, c’est-à-dire qu’elle met en commun l’action de Dieu et de l’homme. Comme l’a dit Roger Olson, « Le synergisme évangélique d’Arminius réserve tout le pouvoir, la capacité et l’efficacité du salut à la grâce, mais permet aux humains d’exercer la capacité accordée par Dieu d’y résister ou de ne pas y résister. La seule “contribution” des humains est la non-résistance à la grâce. »

Élection de l’homme

L’élection est conditionnelle : Arminius a défini l’élection comme « le décret de Dieu par lequel, de Lui-même, depuis l’éternité, Il a décrété qu’il fallait justifier en Christ les croyants et les accepter pour la vie éternelle ». Dieu seul détermine qui sera sauvé et Sa détermination est que tous ceux qui croient en Jésus par la foi seront justifiés. Selon Arminius, « Dieu ne considère personne en Christ, seulement si établi en Lui par la foi ».

Dieu prédestine les Élus à un avenir glorieux : selon l’arminianisme, la prédestination n’est pas la prédétermination de qui va croire, mais plutôt la prédétermination de l’héritage futur du croyant. Les Élus sont donc prédestinés à la filiation par l’adoption, la glorification et la vie éternelle.

La préservation de l’homme

Selon des considérations eschatologiques, Jacobus Arminius et les premiers Remontrants croyaient au « feu éternel » où les réprouvés sont jetés par Dieu au jour du jugement.

Vis-à-vis de ces considérations, la préservation est conditionnelle : tous les croyants sont pleinement assurés du salut à condition de rester en Christ. Le salut est conditionné par la foi, donc la persévérance est également conditionnée. Arminius croyait que les Écritures enseignent que les croyants sont gracieusement investis du pouvoir de Christ et du Saint-Esprit « pour lutter contre Satan, le péché, le monde et leur propre chair, et pour remporter la victoire sur ces ennemis ». En outre, Christ et l’Esprit sont toujours présents pour aider et assister les croyants à travers diverses tentations. Néanmoins, cette sécurité n’est pas inconditionnelle, mais conditionnelle, « pourvu qu’ils [les croyants] soient préparés pour la bataille, implorent Son aide et soient persévérants, Christ les préserve de la chute ».

Possibilité d’apostasie

Arminius croyait qu’un croyant peut apostasier (abandonner le Christ en s’attachant à nouveau à ce monde diabolique, en perdant une bonne conscience ou en ne gardant pas une saine doctrine). Pourtant, sur la période de temps où il s’exprima sur ce sujet, il le fit parfois avec circonspection par égards pour la foi de ses lecteurs. Par exemple, en 1599, il déclara que cette question devait être approfondie dans les Écritures. Arminius a aussi déclaré, dans sa Déclaration de sentiments (1607) : « Je n’ai jamais enseigné qu’un vrai croyant peut, totalement ou finalement, se détourner de la foi et périr ; cependant, je ne cacherai pas qu’il existe des passages de l’Écriture qui me paraissent revêtir cet aspect, et les réponses que j’ai pu considérer ne sont pas de nature à s’approuver sur tous les points, selon ma compréhension. »

Néanmoins, dans ses autres écrits, il exprima sa certitude concernant la possibilité d’apostasie. Arminius écrivit en 1602 : « qu’une personne qui est “intégrée” à l’Église du Christ peut résister à la suite du processus ». S’agissant des croyants, il dit : « Il peut suffire de les encourager dans cette connaissance qu’aucun pouvoir ni aucune intelligence ne peuvent les déloger du rocher, à moins qu’ils ne renoncent de leur plein gré à leur position ». Il continua en disant que l’alliance de Dieu (Jérémie 23) « ne contient pas en soi une impossibilité de se soustraire à Dieu, mais une promesse du don de la crainte qui les empêchera de s’éloigner de Dieu aussi longtemps que celle-ci sera dans leurs cœurs ». Il a aussi enseigné que si le roi David était mort dans ses péchés, il aurait été perdu. En 1602, Arminius écrivit que : « Un membre croyant du Christ peut devenir paresseux, céder au péché et mourir progressivement, cessant d’être un membre ».

Pour Arminius, certaines classes de péchés sont capables de faire chuter un croyant, en particulier le péché motivé par la malice. En 1605, Arminius écrivit : « Mais il est possible pour un croyant de tomber dans un péché mortel, comme on le voit avec David. Par conséquent, il peut tomber et, à ce moment, s’il mourrait il serait condamné. » On peut souligner qu’Arminius énonça clairement deux voies vers l’apostasie : 1) le « rejet » ou 2) le « péché malicieux ». Oropeza conclut pour sa part : « S’il existe une cohérence dans la position d’Arminius, il ne semble pas nier la possibilité d’une chute. »

Entre 1610 et la procédure officielle du Synode de Dordrecht (1618), les Remontrants furent eux-mêmes pleinement convaincus que les Écritures enseignent que le vrai croyant est capable de se détacher de la foi et de périr éternellement en tant qu’incroyant. Picirilli a déclaré : « Depuis cette époque, alors que la question fut de nouveau examinée, les arminiens enseignèrent que ceux qui sont vraiment sauvés doivent être mis en garde contre l’apostasie en tant que danger réel et possible. »

Irrémédiabilité de l’apostasie

Arminius soutenait que si l’apostasie provient d’un péché « malveillant », alors elle est pardonnable. Par contre, si elle provient d’un « rejet », elle ne peut l’être. Les Remontrants suivant Arminius croyaient que l’apostasie n’est pas irrémédiable en général ; toutefois, d’autres arminiens classiques, tels les baptistes libres, enseignent que l’apostasie est irrémédiable.

Arminianisme wesleyen

John Wesley (1703-1791) était entièrement d’accord avec la majorité de ce qu’Arminius enseignait. L’arminianisme wesleyen est de l’arminianisme classique additionné de perfectionnement

     John Wesley

wesleyen. On mentionne ci-après l’arminianisme wesleyen sur certains sujets spécifiques :

Nature de l’expiation

Steven Harper a proposé l’idée que l’expiation de Wesley serait un hybride de la théorie de la substitution pénale et de la théorie gouvernementale. Toutefois, selon d’autres théologiens, Wesley croyait en la substitution pénale de l’expiation. Historiquement, les arminiens wesleyens ont pu adopter, soit la théorie gouvernementale, soit la théorie pénale de l’expiation.

Préservation et apostasie de l’homme

Wesley a pleinement accepté le point de vue arminien selon lequel les véritables chrétiens pouvaient apostasier et perdre le salut, comme le montre clairement son célèbre sermon A Call to Backsliders. Harper le résume comme suit : « L’acte de pécher n’est pas en soi un motif de perte de salut […] La perte du salut est beaucoup plus liée à des expériences profondes et prolongées. Wesley voit deux voies principales qui pourraient entraîner une chute permanente de la grâce : péché non confessé et expression réelle de l’apostasie. » Wesley croyait que cette apostasie n’est pas irrémédiable. En parlant de ceux qui « ont fait naufrage par rapport à la foi » (1 Timothée 1:19), Wesley affirme que « pas un, ou cent seulement, mais je suis persuadé que plusieurs milliers […] innombrables sont les exemples […] de ceux qui étaient tombés, mais se tiennent maintenant debout. »

Perfection chrétienne

La position que typifie l’arminianisme wesleyen est la perfection chrétienne : selon l’enseignement de Wesley, les chrétiens pourraient atteindre dans cette vie-ci un état de perfection pratique, c’est-à-dire, une absence de tout péché volontaire, par l’aide du Saint-Esprit. La perfection chrétienne (ou la sanctification entière), selon Wesley, est « la pureté de l’intention, consacrant toute la vie à Dieu » et « la pensée qui était en Christ, nous permettant de marcher comme le Christ a marché ». « Elle consiste à aimer Dieu de tout notre cœur et notre prochain comme nous-mêmes. » C’est « un retour, non seulement à la faveur, mais également à l’image de Dieu », notre « être rempli de la plénitude de Dieu ». Il était clair pour Wesley que la perfection chrétienne n’implique pas la perfection de la santé physique ou une infaillibilité de jugement. Cela ne signifie pas non plus que l’on ne viole plus la volonté de Dieu, car des transgressions involontaires subsistent. Les chrétiens perfectionnés restent soumis à la tentation et ont toujours besoin de prier pour obtenir le pardon et la sainteté. Ce n’est pas une perfection absolue, mais une perfection en amour. En outre, Wesley n’enseigne pas le salut par la perfection, mais dit que « même la sainteté parfaite n’est acceptable pour Dieu que par Jésus-Christ ».

Voilà qui résume de manière condensée les caractéristiques doctrinales de l’arminianisme. Il existe évidemment de légères variations et des nuances au sein des diverses églises qui y adhèrent. Mais le noyau demeure dans les credo de ces dénominations.

Le calvinisme

Le calvinisme, ainsi nommé d’après Jean Calvin (1509-1564), et aussi appelé « tradition réformée », « foi réformée » ou « théologie réformée », est une doctrine théologique et une approche de la

     Jean Calvin

vie chrétienne reposant sur le principe de la souveraineté de Dieu en toutes choses. Le terme « calvinisme » fait aujourd’hui référence aux doctrines et pratiques de la plupart des Églises réformées, presbytériennes et congrégationalistes. Les doctrines de la prédestination et de la corruption totale représentent les points les plus notoires du calvinisme.

Jean Calvin joua un grand rôle dans l’élaboration des doctrines des Églises réformées, au point d’en être devenu le réformateur dominant. L’une des spécificités du calvinisme réside dans sa sotériologie (doctrine du salut). Celle-ci souligne l’incapacité de l’homme à obtenir le salut. Dieu est seul initiateur de toutes les étapes du salut, de la formation de la foi à toutes les décisions qui conduisent à suivre le Christ. Le calvinisme insiste donc sur l’importance de la grâce divine dans le salut, ainsi que sur les fruits de cette grâce, tant dans la vie du croyant que dans la société chrétienne. Cette doctrine fut solennellement formulée et codifiée lors du Synode de Dordrecht (1618-1619) qui vit le rejet d’une autre doctrine, soit l’arminianisme.

Le calvinisme est parfois identifié à l’augustinisme, car sa conception du salut, qui y occupe une place centrale, correspond à celle soutenue par Augustin (354-430), considéré comme le père de l’Église latine (catholique), dans le débat qui l’opposait au moine breton Pélage. Le calvinisme met un fort accent sur la bonté perpétuelle de la création originelle, mais aussi sur la ruine totale des réalisations humaines et la frustration de l’ensemble de la création, engendrée par le péché. Par conséquent, il considère le salut comme une nouvelle œuvre de création effectuée par Dieu, plutôt que comme la réussite de ceux qui sont sauvés du péché et de la mort.

Il existe plusieurs façons de présenter les caractéristiques de la théologie calviniste. La meilleure consiste sans doute à exposer les cinq points du calvinisme, bien qu’ils identifient davantage certaines divergences de sotériologie avec les autres chrétiens qu’ils ne résument sa doctrine dans son ensemble. Le calvinisme insiste sur la gloire de Dieu, Sa suprématie et Sa souveraineté en toutes choses.

La grâce souveraine

Le calvinisme défend l’idée de la ruine complète de la nature morale de l’humanité, avec la grâce divine comme seule possibilité d’accéder au salut. Il enseigne que l’humanité déchue est incapable de suivre Dieu aux niveaux moral et spirituel. Les hommes ne peuvent échapper à la condamnation devant Dieu, et seule l’intervention divine, suivant laquelle Il change leurs cœurs réticents, permet de faire passer les hommes de la rébellion à l’obéissance volontaire.

Selon cette conception, tous les hommes se trouvent à la merci de Dieu, qui agirait de manière juste s’Il les condamnait pour leurs péchés, mais qui a choisi de faire preuve de miséricorde envers certains. Une personne est ainsi sauvée et une autre condamnée. Celle-là ne l’est pas grâce à sa propre volonté, sa foi ou une quelconque autre vertu, mais parce que Dieu a choisi d’avoir pitié d’elle. Bien que cette personne doive croire aux Écritures, et les appliquer pour obtenir le salut, cette obéissance de la foi représente un don de Dieu. De cette manière, Dieu accomplit le salut des pécheurs en totalité et selon Sa souveraineté. Il n’y a pas de consensus entre les calvinistes quant à la prédestination à la damnation (doctrine de la réprobation) ou au salut (doctrine de l’élection).

En pratique, les calvinistes enseignent la grâce souveraine avant tout pour l’exhortation de l’Église, parce qu’ils pensent que cette doctrine démontre toute l’étendue de l’amour de Dieu, lequel a sauvé ceux qui ne pouvaient l’être, ni Le suivre. Elle permet d’abolir le sentiment de fierté et d’autonomie des hommes en mettant l’accent sur la totale dépendance des chrétiens vis-à-vis de la grâce de Dieu. De la même façon, la sanctification, dans la conception calviniste, implique une constante dépendance vis-à-vis de Dieu afin d’expier les perversités du cœur dominé par le péché et de favoriser la joie du chrétien.

Les cinq points du calvinisme

La théologie calviniste s’assimile parfois aux cinq points du calvinisme, ou doctrine de la grâce, une réponse point par point à ceux développés dans la Remontrance arminienne. Ils servent de résumé des décisions arrêtées lors du Synode de Dordrecht de 1619. Calvin n’a toutefois jamais utilisé lui-même un tel modèle ni combattu directement l’arminianisme.

Par conséquent, ces points constituent un résumé des différences entre calvinisme et arminianisme, et non un récapitulatif complet des œuvres de Calvin ou de la théologie des Églises réformées en général. En anglais, ils sont désignés par l’acronyme T.U.L.I.P. (Total depravity, Unconditionalelection, Limited atonement, Irresistiblegrace, Perseverance of the saints), même si l’ordre des points n’est pas le même que dans les Canons de Dordrecht.

Ces Canons affirment avant tout que Dieu peut sauver tout être humain dont Il a pitié et que l’impiété ou l’incapacité des hommes n’entravent pas Ses efforts.

  1. La corruption totale

La doctrine de la corruption totale (appelée aussi « dépravation totale » ou encore « incapacité totale ») explique qu’en conséquence de la chute de l’homme dans le péché, tout individu né dans le monde est esclave du péché. Les hommes n’ont pas par nature d’inclination à aimer Dieu de tout leur cœur, de tout leur esprit et de toute leur force, mais plutôt à servir leurs propres intérêts par rapport à ceux de leur prochain, et à rejeter la loi de Dieu. Ils ne peuvent, avec leurs seules facultés, choisir de suivre Dieu et d’être sauvés, parce qu’ils n’ont aucune disposition à le faire à cause du besoin de leur propre nature. Le terme « totale » dans ce contexte fait référence au péché qui affecte l’ensemble d’une personne, et non à l’idée que chaque individu ait autant de mal en lui que possible.

  1. L’élection inconditionnelle

Dans son ouvrage, L’institution de la religion chrétienne, Jean Calvin donna une formulation rigide de la prédestination ou l’élection : « Nous appelons prédestination le conseil éternel de Dieu par lequel Il a déterminé ce qu’Il voulait faire de chaque homme. Car Il ne les crée pas tous en pareille condition, mais ordonne les uns à la vie éternelle, et les autres à l’éternelle damnation. Ainsi, selon la fin à laquelle il est créé, nous disons qu’il est prédestiné à mort ou à vie. » [Institution III, xxi, 5.]

Ainsi, appelée aussi la double prédestination, cette doctrine affirme que, de toute éternité, le choix de Dieu d’amener à Lui certaines personnes ne se fonde pas sur leur vertu, leur mérite ou leur foi, il se fonde de manière inconditionnelle sur la seule miséricorde de Dieu.

La doctrine de l’élection inconditionnelle est parfois considérée comme la principale doctrine des Églises réformées, y compris par certains de ses membres. Cependant, ce jugement ne se vérifie pas dans les déclarations doctrinales de celle-ci. Les calvinistes n’enseignent jamais en totalité l’élection inconditionnelle et son corollaire de la doctrine de la prédestination, excepté comme une assurance pour ceux qui cherchent le pardon et le salut à travers le Christ, que leur foi n’est pas vaine, parce que Dieu a la capacité d’amener à l’accomplissement ceux qu’Il a choisi de sauver. Néanmoins, les non-calvinistes objectent que ces doctrines favorisent le découragement dans la recherche du salut.

  1. La rédemption particulière

La rédemption ou l’expiation particulière ou limitée enseigne la nature définitive et certaine, dans son dessein et dans sa réalisation, de l’expiation substitutive de Jésus. Cette doctrine suit la notion de souveraineté de Dieu dans le salut et la conception calviniste de la nature de la rédemption. Les calvinistes considèrent en effet la rédemption comme une substitution pénale : Jésus a subi le châtiment à la place des pécheurs. Et puisque cela constituerait une injustice de la part de Dieu de racheter les péchés de certains pour ensuite les condamner quand même pour ceux-ci, alors tous ceux qui ont bénéficié de l’expiation des péchés doivent de nécessité accéder au salut.

En outre, puisque, dans ce plan, Dieu savait qui serait sauvé, et puisque seuls les Élus le sont, alors il n’y a pas d’obligation pour le Christ d’expier tous les péchés en général, juste ceux des Élus. Les calvinistes ne croient cependant pas à une limitation de la rédemption dans sa valeur et son pouvoir. En d’autres termes, selon eux, Dieu aurait pu élire et racheter tout le monde. Mais la limitation de la rédemption réside en ce qu’elle n’a été destinée qu’à certains. Ainsi, les calvinistes croient que la rédemption est suffisante pour tous et efficace pour les Élus.

  1. La grâce irrésistible

La doctrine de la grâce irrésistible, ou grâce efficace, affirme que la grâce rédemptrice de Dieu agit avec efficacité pour ceux qu’Il a choisi de sauver, c’est-à-dire, les Élus. Au moment choisi par Dieu, elle triomphe de leur résistance à l’appel de l’Évangile, les amenant ainsi à la foi salvatrice.

Cette doctrine ne soutient pas qu’on ne puisse opposer une résistance à toute influence du Saint-Esprit de Dieu, mais que Celui-ci a le pouvoir de vaincre toute résistance et rendre son influence irrésistible et efficace. Ce qui revient pourtant au même. Alors, quand Dieu décide, dans Sa souveraineté, de sauver quelqu’un, cette personne sera sauvée avec certitude.

  1. Persévérance des saints

La persévérance (ou préservation) des saints porte aussi le nom de « sécurité éternelle ». Le terme « saints » est ici utilisé au sens biblique pour évoquer tous ceux placés à part par Dieu, et non dans le sens technique de la personne sanctifiée de manière exceptionnelle, canonisée ou « au ciel ». Selon cette doctrine, puisque Dieu est souverain et que Sa volonté ne connaît nulle entrave, ceux qu’Il a appelés à communier avec Lui persévéreront dans la foi jusqu’à la fin. Si certains s’en éloignent, alors, soit ils n’ont jamais reçu la vraie foi, soit ils retourneront vers elle.

Cette doctrine diffère un peu de celle de la grâce libre ou de la formule « une fois sauvé, toujours sauvé » qui est prêchée par certains évangéliques. Selon celle-ci, même en état d’apostasie, ou d’impénitence, un individu est bel et bien sauvé s’il a accepté le Christ à un moment donné dans sa vie. Dans la conception calviniste traditionnelle, l’apostasie d’une personne prouve qu’elle n’a jamais été sauvée.

La nature de l’expiation

Un autre sujet de désaccord avec l’arminianisme qui apparaît dans les cinq points réside dans la conception calviniste de la doctrine de l’expiation substitutive de Jésus en tant que peine pour les péchés des Élus. Augustin en particulier, ainsi qu’Anselme et Calvin lui-même ont développé cette conception. Les calvinistes affirment que si le Christ a subi la peine à la place d’un pécheur, alors celui-ci doit accéder au salut, puisque cela constituerait une injustice s’il se trouvait par la suite condamné pour des péchés rachetés.

La nature définitive et contraignante de cette conception consentante de l’expiation entraîne de fortes conséquences pour chacun des cinq points. Elle a mené les arminiens à adopter la théorie gouvernementale de l’expiation. Selon cette théorie, il n’y a pas de péchés ou de pécheurs particuliers, mais l’ensemble de ceux dont les péchés ont été rachetés comprend toute l’humanité. L’expiation, plutôt qu’un paiement de la dette des pécheurs, constitue donc un substitut à ce paiement, ce qui autorise Dieu à retirer par Sa grâce la punition d’un pécheur lorsque celui-ci fait acte de repentance et croit en l’Évangile.

Dieu est partout

Les théories qui ont trait à l’Église, à la famille et à la vie politique, toutes appelées de façon ambigüe « calvinisme », résultent d’une conscience religieuse imprégnée de la souveraineté de Dieu dans le cadre de ses alliances de création comme de rédemption. La bonté et le pouvoir de Dieu ont alors des applications libres et illimitées, et Ses œuvres prouvent que Dieu agit dans tous les domaines de l’existence, incluant les domaines spirituels, intellectuels et physiques, profanes ou sacrés, publics ou privés, sur terre ou au ciel.

Selon ce point de vue, le plan de Dieu œuvre dans chaque événement. Dieu, en tant que Créateur, règne de manière souveraine sur toutes choses, et en tant que Rédempteur, sur ceux qu’Il a sauvés. La dépendance absolue vis-à-vis du Christ ne se limite pas au sacré (simplement à l’Église ou à des gestes explicites de piété, comme la prière), mais s’étend aussi à toutes les tâches triviales et à vocation profane. Pour les calvinistes, bien que le Royaume rédempteur de Dieu dans l’Église reste distinct des domaines d’activités communes avec les non chrétiens, aucune partie de la vie ne dispose d’une vraie autonomie vis-à-vis du règne du Christ.

Voilà en ce qui concerne le bref tour d’horizon des principales doctrines de l’arminianisme et du calvinisme, considérées universellement comme les deux principales théories sotériologiques se partageant les églises protestantes. (La sotériologie catholique diffère de ces deux théories en ce qu’elle prêche un salut par les œuvres, considérant le sacrifice de Christ comme insuffisant pour servir d’expiation totale des péchés.)

Dans le deuxième chapitre, il sera temps de réviser les points arminiens et calvinistes pour en relever les faiblesses, parfois fort graves, par rapport à ce que disent réellement les Écritures.