T.039 – Une relation exclusive

En me promenant un soir, j’ai soudain considéré combien il peut être bon de vivre et à quel point il est possible de négliger ce don. Il n’est pas seulement dommage de ne pas apprécier sa vie, mais il est surtout vital de vivre vraiment. Or, dans une prison, il est difficile de vivre : on se contente de survivre, c’est-à-dire, de s’imposer ce but assez trouble de s’en sortir et de ne pas « crever ».

Une prison n’est pas seulement faite de briques, puisqu’il en existe tant d’autres, et la pire est celle qui est forgée par les murs de notre perception. Si je vis dans le péché – parce que je suis sous la loi du péché – ma perception est défectueuse par rapport à la Vérité unique instaurée par Dieu et qui est en Dieu. Sans prise de conscience, je suis dans la prison de ma perception, qui ne génère qu’orgueil ou mépris.

« L’œil est la lumière du corps : si donc ton œil est sain, tout ton corps sera éclairé ; mais si ton œil est mauvais, tout ton corps sera ténébreux. Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, combien seront grandes ces ténèbres ! » (Matthieu 6:22-23).

Si je me perçois comme un être coupable et si je me désapprouve sans cesse, sans que la Grâce de Dieu ne puisse m’atteindre et m’affranchir, je suis également en prison. Mon regard trop sombre dénature ma vie, jusqu’à ne plus être en mesure de reconnaître ça et là les marques de la Présence de Dieu, de Son Amour, ni de Sa Bonté envers tous, Lui qui « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes » (Mattieu 5:45) ; sachant qu’à l’échelle de la Justice de Dieu, personne ici-bas n’est suffisamment bon ou juste pour mériter Sa Grâce.

Il est bon de se la rappeler continuellement, afin de ne pas s’enorgueillir ; mais il faut faire attention de ne pas tomber dans le piège inverse. À force de se culpabiliser et de se dévaloriser chaque jour, un mécanisme mental dangereux peut se mettre en place : une sorte de « barrière anti-grâce », qui empêche le coeur assoiffé de boire, le cœur affamé de se nourrir et qui éloigne donc le chrétien de son Dieu, même s’il croit en Lui de toutes ses forces.

Cette situation peut s’avérer très inconfortable, car on se retrouve dans un état de paralysie interne, non pas mort, si l’on est de ceux qui ont goûté à la Vérité, mais pas réellement vivant, puisqu’incapable de s’affranchir, incapable d’apprécier la vie, ni de vivre chaque jour consciemment avec reconnaissance, comme un don sacré de Dieu.

« Et l’Éternel Dieu forma l’homme de la poussière de la terre, et souffla dans ses narines une respiration de vie ; et l’homme devint une âme vivante » (Genèse 2:7).

Pourtant, la vie est précieuse. Même les humanistes, les défenseurs des droits humains, et ceux de la cause animale, les protecteurs de l’environnement, tous se rejoignent avec nous sur ce point : la vie est précieuse.

La Bible dit que « quant à l’âme de toute chair, c’est son sang ; il lui tient lieu d’âme » (Lévitique 17:11), et « le sang c’est l’âme » (Deutéronome 12:23), elle parle de « l’âme précieuse de l’homme » (Proverbe 6:26). La vie précieuse se trouve dans le sang de l’être vivant ; le sang étant l’âme de celui-ci, on peut aisément en déduire que l’âme et la vie sont indissociables, et lorsqu’on parle de la valeur d’une âme, on parle de la valeur d’une vie.

« Car c’est toi qui as formé mes reins, qui m’as façonné dans le sein de ma mère. Je te loue de ce que j’ai été fait d’une étrange et merveilleuse manière ; tes oeuvres sont merveilleuses, et mon âme le sait très bien. Mes os ne t’étaient point cachés, lorsque j’étais formé dans le secret, ouvré comme un tissu dans les lieux bas de la terre. Tes yeux m’ont vu, lorsque j’étais comme une masse informe, et sur ton livre étaient inscrits tous les jours qui m’étaient réservés, quand aucun d’eux n’existait » (Psaume 139:13-16). La vie est un mystère, un cadeau, une source inépuisable d’étonnement et d’émerveillement.

La vie est également source de jouissance pour celui qui sait dominer sur son sentiment de culpabilité. Or, il n’existe que deux moyens pour atteindre cela : celui du diable et celui de Dieu. Celui du diable consiste à faire taire sa conscience, à la dompter peu à peu en lui dictant ses propres lois afin qu’elle finisse par obéir à sa propre volonté, puis qu’elle l’approuve, l’accepte et la normalise.

Le moyen de Dieu, quant à lui, est diamétralement opposé. Il fait disparaître la culpabilité par la Puissance de la Grâce divine, à travers la foi dans la suffisance du sacrifice unique de Jésus-Christ offert pour nous, qui nous délivre lorsque nous implorons Son pardon d’un coeur sincère.

« Il n’y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ, qui marchent, non selon la chair, mais selon l’esprit » (Romains 8:1).

Si la culpabilité est un iceberg, le pécheur – qui, naturellement, refuse de souffrir et veut librement jouir de sa vie – s’habitue aux températures très basses. Il s’adapte avec toutes sortes de compromis et de stratégies de compensation pour ne plus être gêné par le froid glacial, ni même remarquer qu’il vit sur un iceberg. Malgré ce que sa perception lui dit, qu’il le ressente ou non, il vit dans le froid. Et s’il en a conscience, comme le dit l’expression : « il fait avec ».

La Grâce de Dieu, quant à elle, est comme le soleil dans sa puissance, qui fait fondre l’iceberg et le fait disparaître. La glace fondue rejoint la masse des eaux de l’océan et plus personne ne peut dire où était l’iceberg, pas même Dieu, qui affirme : « C’est moi, c’est moi qui efface tes forfaits pour l’amour de moi, et je ne me souviendrai plus de tes péchés » (Esaïe 43:25).

Alors, pourquoi tant de chrétiens prennent-ils des moyens détournés pour se libérer de leur sentiment de culpabilité ? Et pourquoi y a-t-il dans nos vies d’énormes morceaux de l’iceberg qui n’arrivent pas à fondre ?

Dieu a-t-Il créé l’Homme pour qu’il soit abattu ? Est-ce le souhait ou la norme de Dieu pour Ses créatures humaines – summum de toute la création – qu’elles errent dans l’incapacité d’apprécier d’être en vie ?

« Le cœur joyeux vaut un remède ; mais l’esprit abattu dessèche les os » (Proverbes 17:22).

Si l’on se figure de manière imagée que les os –  placés au plus profond de notre corps – représentent l’homme intérieur, on peut visualiser l’effet de l’abattement psychologique sur celui-ci : il se dessèche, perd de sa vigueur, de son entrain, jusqu’à se perdre lui-même.

Dans ma vie, le sentiment de culpabilité ou celui de ne pas être à la hauteur m’ôtent peu à peu la joie de vivre. Et si je suis incapable d’être joyeuse et d’apprécier simplement le cadeau de Dieu de m’avoir mise au monde, c’est très culpabilisant. Qui me délivrera de ce cercle vicieux ?

L’important est d’en prendre conscience, non pas pour consolider les murs de ma prison mais pour en sortir. Celui qui peut me faire sortir de ma prison, c’est Jésus-Christ par Sa Grâce et Sa Puissance souveraine.

Dieu a peut-être du plaisir à me voir sourire. Il est probable que Son cœur se réchauffe à l’écoute de ma louange, quand Il m’entend chanter seule dans mon coin. Et il se peut qu’Il éprouve beaucoup de joie dans les moments où j’accorde à la vie toute son importance, en l’appréciant à sa juste valeur.

Se repentir est une bonne chose, mais se repentir vers quoi ? Se détourner de sa mauvaise perception et de sa conduite coupable pour aller vers quoi ? Le péché revient si facilement, si on ne lui barre pas la route avec un changement concret et radical.

Dans mon état d’esprit dépressif, à attendre passivement un changement dans ma vie et à m’habituant au vide d’un quotidien devenu très banal, j’étais en proie à une sorte d’addiction qui me permettait de m’enfuir loin de ma vie et de ma culpabilité, dans toutes sortes de lieux et d’histoires, et pour quelques heures de ne plus être moi-même. Je partais régulièrement à la médiathèque emprunter des films que je regardais jusqu’à tard dans la nuit. Bien que mon choix restait généralement correct – évitant en toute conscience l’excès de violence et de scènes sensuelles – je me suis rendue compte, au bout d’un certain temps, qu’en m’endormant juste après, cela générait en moi des rêves absurdes et fort désagréables. Mon sommeil s’en est trouvé troublé et je n’étais plus en forme. Parfois, les rêves étaient en rapport direct avec les films visionnés, parfois il n’y avait pas de rapport, mais le contenu des rêves était païen, mondain et même très vulgaire et immoral.

Pourquoi le diable rentre-t-il dans mon sommeil, me demandais-je. Pourquoi l’Esprit de Dieu ne le repousse-t-Il pas ?

En me réveillant, j’avais honte. J’étais comme coupée en deux : une partie de moi pensait être totalement étrangère à ces cauchemars, car ils ne la concernait pas dans la réalité, et il suffisait donc de les oublier. Mais quelque chose dans mon cœur reconnaissait être en relation directe avec le mal et les péchés malsains commis fictivement dans les rêves.

Intuitivement, j’ai compris que ces rêves obscurs dépeignent ma condition humaine : sans le vouloir, il y a bel et bien quelque chose de sombre en moi, un potentiel à faire le mal, un potentiel à m’avilir et à me détruire, un potentiel à aimer le monde et à me perdre. Sans en tenir compte, je nourrissais ce potentiel, alors que je ne prenais que très peu de nourriture divine, à savoir la Parole de Dieu. C’est un peu comme si je choisissais un autre dieu.

Puis j’ai soudain réalisé le regard du Christ, un regard perçant et coupant, qui voit à l’intérieur de l’être humain la fissure entre le croyant fidèle et le criminel potentiel. Et j’ai compris que Jésus-Christ voit en nous la partie sombre que nous faisons souvent semblant de ne pas connaître, qu’Il la connaît mieux que nous la connaissons nous-mêmes et que, malgré toute l’horreur qu’elle suscite, Il nous aime.

« Oui, tu as ça en toi, » me souffle-t-Il, « mais Moi Je veux mettre autre chose en toi. Ne t’éloigne plus de Moi ! »

Alors, j’ai réalisé combien je m’étais éloignée de Lui. Je ne chante plus mon amour, ni ma reconnaissance envers Lui. Je ne me prosterne plus devant Sa Majesté. Je ne célèbre plus de culte à mon Seigneur, sous prétexte que je suis seule et que j’ai quitté les assemblées. Je ne suis plus dans les parvis de l’Adoration.

« Mais toi, quand tu pries, entre dans ton cabinet, et ayant fermé ta porte, prie ton Père qui est dans ce lieu secret ; et ton Père qui voit dans le secret te le rendra publiquement » (Matthieu 6:6).

En allant rendre une visite spontanée à ma belle-sœur, qui est radicalement catholique, je suis arrivée au moment où elle et sa famille étaient en train de suivre l’office de la messe à la télévision. Conscients des « déviations » liées à l’égarement massif des chrétiens dans les temps de la fin, ils vivent leur foi de manière autonome et intime, ayant quitté leur assemblée, toutefois sans avoir pris conscience des mensonges sur lesquels ils s’appuient encore.

J’étais très surprise quand, en rentrant dans leur salon pour les saluer, je vis leur fille de seize ans agenouillée sur le sol, prosternée face contre terre, chantant et souriant d’une manière si touchante que j’en fus complètement troublée. La joie et la paix qui rayonnaient sur son visage m’émurent profondément.

Je compris alors que Dieu avait guidé mes pas ce jour-là, afin de me montrer que ces personnes, que je pense profondément perdues, ont, malgré leur mauvaise compréhension de la Bible, quelque chose que je n’ai pas : quelque chose que j’ai perdu et qui pourtant est essentiel. Ils adorent le Christ et vénèrent Dieu en Lui offrant chaque jour des moments consacrés uniquement à l’adoration. Ils sanctifient le Nom de Dieu en séparant ce qui est profane de ce qui est saint, vivant ce temps à part comme une priorité exclusive, un devoir et un besoin.

« Tu ne prendras point le nom de l’Éternel ton Dieu en vain ; car l’Éternel ne tiendra point pour innocent celui qui aura pris son nom en vain » (Exode 20:7).

« Je ferai connaître mon saint nom au milieu de mon peuple d’Israël, et je ne laisserai plus profaner mon saint nom ; et les nations sauront que je suis l’Éternel, Le Saint en Israël » (Ezéchiel 39:7).

Nous débattîmes à propos des divergences de nos croyances respectives. Je leur expliquai ce que je sais des évènements à venir prophétisés dans le livre de l’Apocalypse. Egalement, dans l’expectative des signes décrits par notre Seigneur Jésus et suivant de près les évènements politiques et économiques, nous nous retrouvâmes sur plusieurs points et je rendis grâce à Dieu que la conversation fut possible.

En repartant chez moi, je me posais cette question que j’avais tendance à ne poser que pour les autres : « sommes-nous prêts ? » Etrangement, cette question s’adressait aussi à moi.

Avant que n’arrive le grand chaos final, sommes-nous sûrs d’être du bon côté ? Du côté du Christ, du vrai Christ, tandis que la foi se ramollit et que les faux prophètes surgissent de plus en plus ?

Avons-nous l’ingrédient essentiel pour faire face aux guerres et aux persécutions quand elles nous toucheront subitement et brutalement ? Même si nous pensons être de ceux qui seront miraculeusement épargnés, protégés, comment réagirons-nous en voyant tout autour ce qui se passera ? Serons-nous assez forts pour ne pas tomber dans le gouffre du deuil et de l’abattement ?

Et pour être sûrs de passer au travers de la folie générale et de la manipulation démoniaque, posons-nous cette question : appartenons-nous vraiment au Christ ?

Le vrai Christ inspire Crainte et Adoration, parce qu’Il est à la fois Autorité et Grâce, Roi, serviteur, douceur et ferveur, bonté mais Justice. Il voit notre attitude, Il connaît nos failles. Il peut Se servir de tout un chacun pour exhorter, redresser, secouer, châtier. Il n’y a rien qui Le limite, si ce n’est nous-mêmes.

J’ai limité Dieu, j’ai limité Sa force en moi, dans la mesure où je ne Lui ai plus attribué Sa juste place. Mais Son regard est gracieux pour qui accepte de prendre conscience et de changer d’attitude. La partie sombre en moi ne limite pas l’Amour de Dieu, mais elle me limite moi, si je la nourris – consciemment ou inconsciemment – car elle m’empêche de vivre ma relation exclusive avec le Seigneur. Or, sans cette relation exclusive manifestée par des temps d’adoration, de prière et de méditation de Sa Parole, même si nous croyons détenir la vérité, elle nous échappe.

« Je suis le chemin, la vérité et la vie ; personne ne vient au Père que par moi » (Jean 14:6).

Nous ne Lui échappons pas, car Sa main de bon Berger ne se desserre pas, mais la nôtre, oui. Nous ouvrons la main pour lâcher la Sienne et nous cramponner à des choses sans valeur.

Mais par Sa Bonté, à cause de l’Amour qu’Il a pour nous, Il nous rattrape, nous corrige, parfois par le moyen de l’humiliation, afin que la correction s’imprègne profondément en nous, comme marqués par le fer : ce qui a été le cas pour moi, puisqu’allant chez des personnes que je pensais plus perdues que moi, leur apportant la Lumière de la Vérité, je réalise que moi-même je me perds, les trouvant dans l’attitude dans laquelle Dieu me demande de vivre !

Mais pour celui ou celle qui a vraiment goûté à l’Amour du Christ, l’humiliation par laquelle Dieu est contraint de nous faire passer est délicieuse, car elle précède le retour à la Grâce et à l’épanouissement de l’être intérieur qui était morne et desséché, et qui a tellement besoin d’être régénéré. En d’autres termes, elle nous ramène vers une relation exclusive.

« Car la parole de Dieu est vivante, et efficace, et plus pénétrante qu’aucune épée à deux tranchants, perçant jusqu’à la division de l’âme et de l’esprit, des jointures et des moelles, et jugeant des pensées et des intentions du cœur » (Hébreux 4:12).

« Dieu est amour » (1 Jean 4:8).

Soyez bénis,

Anne-Gaëlle