D.216 – L’INEXTRICABLE TOILE D’HERBERT W. ARMSTRONG – Partie 18

 

Regard interne sur l’Église Universelle de Dieu

Par DAVID ROBINSON

Chapitre 17

RAYMOND McNAIR ―

LE « BOUFFON » LOYAL

 

La première fois que j’ai vu Raymond McNair, c’était à Belknap Springs, en Oregon, en 1950. Raymond était un enthousiaste jeune étudiant du collège, depuis peu sorti de l’Arkansas rural et profondément religieux. Il s’était immergé dans les études religieuses dans le nouveau et très petit Collège Ambassadeur de Pasadena. Herbert Armstrong y était le directeur, le prédicateur, la figure paternelle et, en plus, en tant que diffuseur, la source de revenus pour soutenir l’école. Raymond n’était pas un garçon très instruit et le Collège Ambassadeur lui servit donc de fondation, ce qui devait en faire un produit d’Herbert Armstrong.

HWA fut le fondement de son succès et Raymond, avec ses limites, réalisa intuitivement sa dépendance envers son « père ». Depuis lors, il n’a jamais quitté le foyer.

Raymond est un comique naturel, probablement sans en avoir l’intention. Quand il lutte avec les mots, des choses amusantes en ressortent. Quelquefois, ses auditeurs rient avec lui et, d’autres fois, ils rient de lui. Je ne suis pas sûr que Raymond sache faire la différence.

Aux Fêtes annuelles de Big Sandy, dans le milieu des années 1950, Herbert Armstrong poussa souvent ses jeunes hommes à prendre la parole. Il se développa parmi eux une rivalité à savoir qui parlerait le plus longtemps. D’où nous étions assis, il semblait que la compétition était féroce. Deux heures se transformaient en trois, puis trois devenaient trois heures et demie, et, éventuellement, certains atteignirent les quatre heures.

D’après mes souvenirs, Raymond McNair gagna le concours grâce à un sermon ayant duré plus de quatre heures. Je me rappelle que Rod Meredith avait fini deuxième. Le style oratoire de Raymond faisait qu’il donnait continuellement de faux espoirs à son auditoire, allant d’une finale à l’autre. Il était de toute évidence sur le point de conclure pour aussitôt repartir de plus belle, souvent avec le même matériel. Il n’y avait rien de plus exaspérant.

Une fois, à Big Sandy, dans les années cinquante, après qu’il eût redémarré alors que tous ses auditeurs étaient épuisés, on entendit une dame dire à voix haute : « Oh ! Étouffez-le, quelqu’un ! » Bien que bon nombre eurent été saisis par sa franche façon de s’exprimer dans l’église, ils acquiescèrent tous en un silence entendu. Mais cela ne ralentit pas Raymond pour autant. C’était un bûcheur, même dans sa façon de parler.

C’est plus tard, lorsque le ministère eût vieilli que Raymond acquit un surnom populaire parmi ses pairs, celui de « Buffie », provenant de bouffon ! D’après plusieurs récits, la responsabilité du surnom reviendrait à Herbert Armstrong, loin d’être impressionné, ni par l’intelligence, ni par l’éducation de Raymond. Apparemment, il aurait apparenté Raymond à un bouffon ! Le mot se répandit. Le ministère de l’Église Universelle de Dieu employa largement le surnom.

Durant les deux dernières années, Raymond n’a rien fait pour dissiper cette impression. Depuis sa graduation à Pasadena, Raymond a desservi quelques églises régionales aux Etats-Unis et, plus tard, en Angleterre. Dans une de ses églises aux Etats-Unis, il baptisa et épousa une jeune dame de sa propre congrégation. Après quelques années et plusieurs enfants, ce mariage se termina par un divorce acrimonieux. Raymond se remaria peu après en pleine controverse théologique, ce dont il fut largement discuté. Il ne pratiqua pas ce qu’il avait si longtemps prêché et exigé des autres.

Ceux qui connaissent bien Raymond sont encore sous le choc en se rappelant qu’il a été à la tête du Collège Ambassadeur d’Angleterre. Quand on demanda à ceux qui avaient côtoyé la situation les raisons qui poussèrent Herbert Armstrong à nommer Raymond, ils ne peuvent avancer comme seul qualificatif qu’il prêchait Herbert Armstrong 365 jours par année. Cette seule qualité était d’une importance capitale pour HWA.

Une autre caractéristique de Raymond McNair, c’est son très grand désir de grandeur. Il se croit un grand homme, d’après bon nombre de ceux qui lui sont proches. Raymond peut rapidement débiter tous les McNair qui ont atteint un certain degré de notoriété. Il s’identifie à la célébrité et au succès mondain. Il rend aussi gloire à tous les Armstrong qui ont atteint le succès, sauf Garner Ted. Et il est prompt à établir des relations historiques entre les Armstrong et les McNair. Il est difficile, à notre époque, de trouver homme plus assoiffé de grandeur que Raymond McNair.

Un jour, en 1968, lorsque mon épouse et moi allâmes au Collège en Angleterre durant un voyage en Europe, Raymond nous accueillit pour prendre le thé et le sujet principal fut la grandeur de son nom de famille. Il se rua vers sa bibliothèque et en retira quelques livres pour démontrer ce qu’il avançait. Tous les livres s’ouvrirent automatiquement à des endroits spécifiques. On aurait dit que c’étaient les seuls endroits où ils avaient été ouverts. Ils s’y étaient ouverts si souvent que les lois de la physique s’y appliquaient.

Plutôt humoristiques, les récits se succédaient à mesure que Raymond retournait en arrière. Mais tous ceux qui connaissent bien Raymond s’entendent pour dire qu’il n’est pas malicieux ― c’est-à-dire, seul à seul. Ce n’est que lorsqu’il monte sur l’estrade que les choses se gâtent. Les opinions divergent quant à savoir qui est le vrai Raymond.

Quand le Collège d’Angleterre fut fermé par Herbert Armstrong, au milieu des années soixante-dix, Raymond fut ramené à Pasadena ― « shanghaïé », comme il le dit plus tard. À Pasadena, il était sans emploi. Durant un sermon à Big Sandy, en 1978, il rapporta avoir été sans responsabilité pendant 4 ½ ans ! Il servit dans le Comité doctrinal, écrivit quelques articles et fit peu de choses d’autres. C’est dans cette période que son mariage se brisa.

En 1976, Ray Wooten, ayant servi comme pasteur de l’église de Little Rock pendant quelques temps et sous les ordres du frère de Raymond, Carl, à Atlanta, obtint un transfert à Dallas, ce qui était pour lui une promotion. Dennis Pyle, alors coordonnateur régional dans ce secteur, appela Ray pour lui demander si Raymond McNair serait un bon pasteur pour Little Rock. Ray Wooten protesta si vigoureusement que Dennis  laissa tomber l’affaire et s’arrangea pour que Raymond obtienne l’église d’Ozarks. On cherchait quelque chose tout près de l’Arkansas et ce fut le mieux qu’on puisse faire à ce moment-là. Dennis a toujours été sensible pour ce genre de chose. Il fit ce qu’il put pour Raymond.

C’est Ray Wooten qui me conta l’histoire, à l’époque. Il me dit qu’il n’était pas question de permettre que les gens de Little Rock souffrent à cause de « Buffie ».

Lors de sa tirade à Big Sandy, en 1978, Raymond se plaignit amèrement d’avoir été expédié dans une église si petite. Ce n’était pas digne de lui.

On n’entendit pas beaucoup parler de Raymond durant son stage au Lac des Ozarks. Mais une couple d’incidents valent la peine d’être mentionnés. L’un fut rapporté par Raymond lui-même et c’est d’importance.

Le soir de clôture de la Fête à Big Sandy, en 1978, alors que mon épouse le pressait de questions à propos de son divorce et de son remariage, il nous dit, à elle et à moi, qu’Herbert Armstrong l’avait vu à la Fête, en 1976, et l’avait encouragé à se remarier ! Raymond était au site d’Ozarks, là où était son église, et Herbert Armstrong avait cherché à voir Raymond pour l’encourager à se remarier, en 1976 ! Comme dirait Gerald Waterhouse, « l’avez-vous saisi ? » Afin de renforcer son cas, Raymond continua : « M. Armstrong ne m’avait pas vu depuis plusieurs années. C’était la première fois depuis des années et il voulait que je me remarie ! » Or, HWA planifiait également d’épouser une divorcée. Voilà ma conclusion !

Un autre incident fut rapporté par ceux qui assistèrent à son église immédiatement après la conférence de 1978. Raymond revint de la conférence tout exubérant. Il monta en chaire en brandissant triomphalement le nouveau Projet de Théologie Systématique. Il rappela à son auditoire tout son temps passé dans le Comité Doctrinal et que maintenant ça commençait à rapporter. Il avait généreusement contribué à ce nouveau projet. Maintenant, les croyances de l’église seraient codifiées et il en avait été un des contributeurs majeurs !

On ne peut que rougir pour Raymond. Il veut tellement être grand, ou, à tout le moins, passer pour grand aux yeux des autres. Mais quel prix est-il prêt à payer ? Les événements des deux dernières années révèlent qu’il est prêt à payer le très gros prix. Il est prêt à abandonner son intégrité et son honneur de chrétien en échange d’une gloire éphémère. Bien qu’il désire gloire et pouvoir, il est juste assez perspicace pour comprendre que sa gloire doit se refléter et se rattacher à Herbert Armstrong comme seul espoir d’avoir sa place au soleil durant sa vie. L’on ne peut que se demander ce qu’il pense réellement de la vie après la vie.

Raymond a montré bon cœur envers beaucoup de gens toute sa vie dans l’église. Il n’a pas démontré la froideur et la malice des autres dans la hiérarchie, en tout cas, pas en face. Mais l’opportunisme a ruiné beaucoup d’hommes par ailleurs aimables. Dans son désir de grandeur, Raymond s’est montré opportuniste. En servant Herbert Armstrong, bien après qu’HWA soit sorti des rails de la vraie religion, Raymond se sert en réalité lui-même au détriment de son Dieu et de ses camarades. La soif de pouvoir et l’autoglorification sont des vins capiteux. Ils intoxiquent.

Raymond rapporte qu’il fut appelé à Tucson, lors de l’expulsion de Garner Ted par Herbert Armstrong, pour aider celui-ci à « remettre les choses sur les rails ». Il n’y a certainement personne qui remettra en doute qu’on avait besoin d’une opération nettoyage dans l’église de l’époque, mais les opinions différaient quant à savoir ce qui avait besoin d’être nettoyé.

Le membre moyen de l’église n’a que très peu de contact avec Herbert Armstrong, mis à part la lecture de ses articles répétitifs ou l’écoute de sa voix enregistrée, tout cela n’ayant qu’un thème central ― sa grandeur. Le membre ne le voit qu’à distance à chaque année, lors de la Fête d’automne. Il croit que Dieu ne pourrait employer d’autre homme qu’Herbert Armstrong. Ce dernier a si souvent raconté les débuts de sa vie et de son expérience religieuse. Ce n’est que dans les dernières années, quand les doutes ont commencé à surgir concernant son honnêteté et sa véracité, que quelques vérifications ont prouvé qu’il avait falsifié et tordu l’histoire de cette période. Et certains hommes sont encore vivants pouvant témoigner que ça s’est passé d’une autre façon. En outre, leur témoignage est appuyé sur des registres officiels impossibles à renier. Les registres et les rapports commencèrent à provenir d’un peu partout ― des rapports de gens honnêtes et humbles demeurés silencieux pendant des décennies.

Comme l’a écrit Winston Churchill : « Le moulin de la justice moût lentement, mais extrêmement fin ! » La vérité va sortir. Il n’y a pas de suppression permanente de la vérité.

L’histoire d’HWA et celle de Raymond McNair sont inextricablement liées. Quand l’on soutient et que l’on défend une personne frauduleuse, le processus nous contamine. Lorsque l’on ment pour couvrir un menteur, on assume alors la culpabilité de celui que l’on défend. Quand celui que l’on défend est un enseignant religieux, sa religion doit être remise en question !

C’est le chemin qu’a choisi Raymond. Il ne nuit pas de croire, comme je le fais, que Raymond n’aurait pas emprunté cette voie par lui-même ; mais y croire ne l’exonère pas de sa triste position présente. Cela ne fait que légèrement modifier sa culpabilité. Mais plus longtemps choisit-il cette voie, plus se fixe la culpabilité.

Le fait que Raymond ait soutenu les dénégations directes, violentes et répétées d’HWA niant avoir eu connaissance du Projet de Théologie Systématique, cela fut un signal fort aux yeux de ses pairs que Raymond allait toujours tout déformer sur simple commande d’HWA. Raymond possédait trop de rapports démontrant le contraire.

La philosophie de Stan Rader voulant que le mensonge s’avère parfois un devoir supérieur s’étend maintenant aux plus hauts échelons de la hiérarchie. Les membres des comités de l’église se font traiter « d’idiots » par Herbert Armstrong ; or, qu’il existe un comité « d’idiots » signifie bien qu’il est relégué à une position fausse. Ils mentent à propos de leurs fonctions et le font de manière officielle face à l’État de la Californie. Leur véracité est compromise, et tout ça au nom de la religion.

Est-ce que la fin justifie les moyens ? Pouvons-nous faire n’importe quoi afin que nos plans s’exécutent ? Combien de despotes dans l’histoire y ont cru ? C’est essentiellement ce qu’Herbert Armstrong enseigne par son exemple. Le pauvre Raymond, ambitieux et crédule, s’emmêle dans cette toile d’araignée.

Il quitta son église régionale du Lac des Ozarks sans avoir la courtoisie d’appeler son supérieur, Dennis Pyle. Et souvenez-vous que Dennis avait fait tout en son pouvoir pour que Raymond soit placé au meilleur endroit possible.

Ron Dart, alors directeur de l’Administration Pastorale au moment où Raymond fut envoyé aux Ozarks, rapporte que ce dernier était rempli d’une gratitude larmoyante pour ce pastorat, à l’époque. Dennis rappelle que Raymond était humble et réceptif au moment où il était son patron.

Il semble n’y avoir eu aucune communication entre Herbert Armstrong et Raymond pendant la durée où celui-ci fut « shanghaïé », ou même plus longtemps encore, sauf à ce moment bien précis de 1976 où HWA le chercha à la Fête du site des Ozarks pour l’encourager à se remarier. De ce que j’ai compris, après cela, la communication suivante ne survint que lors de l’appel d’HWA à se rendre à Tucson au printemps ou au début de l’été 1978.

Avant cela, à l’image de Gerald Waterhouse, Raymond était devenu une source de profond embarras pour Herbert Armstrong et, avec Gerald, il avait été envoyé en « Sibérie ». Mais au milieu de 1978, HWA voulut l’utiliser à nouveau. Cet automne-là, il lui confia de prééminentes positions d’orateur à Dells, Wisconsin, aux Ozarks et à Big Sandy, Texas. Il fut plus que jamais convaincu de sa propre grandeur.

J’entendis parler de sa performance, d’abord à Dells, puis avec détails aux Ozarks, ensuite je le vis moi-même au Texas. Au moment d’arriver au Texas, son sermon était devenu parfait. C’était à faire pleurer dans les chaumières. Il déclina la liste de tous les torts qu’on lui avait causés, ainsi qu’à HWA. La liste était fort longue. L’archi-vilain, Ted Armstrong, les leur avait causés à tous les deux. Ted avait « shanghaïé » tous les bons hommes et les avait expédiés dans de petites églises, ce qui était une disgrâce en regard de leur dignité. Il avait lui-même été envoyé dans une insignifiante petite église dans les Ozarks. Rod Meredith avait été humilié. Oh, la liste était longue, mais dans la harangue de Raymond, ce jour-là, il n’y en avait que pour Raymond F. McNair. Comme l’a dit quelqu’un : « Il prêche Raymond F. McNair, et Raymond F. McNair crucifié ! » Il glorifia le vieux Collège Ambassadeur de Brickett, en Angleterre, en rabaissant les Collèges de Pasadena et de Big Sandy. (Il avait été vice-chancelier de celui d’Angleterre.) Quand il eut terminé, on aurait pu penser, si on n’en avait pas su plus, que son Collège en Angleterre était de Dieu et tous les autres étaient du Diable.

Lorsque Raymond entreprit sa description du campus de Pasadena, on aurait pu croire impossible de marcher à travers le campus sans passer continuellement au-dessus de condoms usagés. Le danger de glisser et tomber à cause de ce péril était très grand. Et il était presque impossible à une jeune fille de traverser sans être violée. Pour une jeune dame, faire ses classes en conservant sa virginité intacte était hors de question. Il dépeignait un portrait vraiment sombre et lugubre. Or, lui, Raymond, allait corriger tout ce mal. Le Collège Ambassadeur était maintenant le collège de Dieu. Lui et Herbert Armstrong avaient « remis Dieu sur Son trône ». Dieu avait été mis hors du trône pendant une période de dix ans. Dieu n’y était pas revenu plus tôt parce que Garner Ted et Ron Dart L’avaient chassé et, évidemment, Il ne pouvait revenir sur Son trône tant que Raymond et Herbert Armstrong ne seraient pas à l’œuvre et ne Le remettraient pas dessus !

Le terme « shanghaïé » est devenu obsolète dans le langage [anglais, « shanghaied » dans le texte]. Il fut inventé par les marins anglais du siècle dernier [19e siècle]. Il signifiait que, quand un marin se trouvait en état d’ivresse, le long du quai d’un quelconque port animé du monde, un « ami » pouvait le « secourir » en lui évitant le saloon, et l’infortuné se retrouvait le lendemain matin à dessoûler à bord d’un bateau de marchandises, embauché comme membre de l’équipage, avec rien d’autre à faire que de travailler pour le reste du voyage. Il avait été « shanghaïé ». Ce devait être une pratique courante dans le cloaque oriental de Shanghai, en Chine.

Ce terme appartient à une autre génération, une génération antérieure à celle de Raymond. Il appartient à la génération d’Herbert Armstrong. Il avait réactivé l’usage de ce mot. Et se mot s’avérait profondément ironique lorsque appliqué à Raymond McNair, Rod Meredith, Dennis Luker, Herman Hoeh, Gerald Waterhouse, etc. Le véritable « shanghaïage » venait tout juste de se produire. Ils avaient été « secourus » par un « ami » et embauchés pour le voyage. Mais il était peu probable qu’ils demeurent membres de l’équipage permanent. Raymond avait une nouvelle femme et ses enfants avec lui. La plupart des gens présents croyaient qu’il s’agissait de la femme de sa jeunesse, mais, hélas ! ce n’était pas le cas.

À la clôture de la Fête, mon épouse Margaret demanda à Raymond de lui expliquer comment il pouvait être libre de se remarier. Nous avions entendu Raymond parler contre le divorce et le remariage avec tant de force pendant tant d’années qu’il était difficile de le voir ici avec une autre femme que la sienne (c’est-à-dire, elle n’était pas sa femme, selon son ancien enseignement des derniers vingt-cinq ans). Pourquoi prêchait-il une chose et en faisait-il une autre ? Margaret voulait savoir.

Raymond commença par tourner autour du pot. Il parla d’Herbert Armstrong venu le voir en 1976 pour l’encourager à se remarier. Puis, Raymond lança que Garner Ted lui avait dit que tout était correct. Il mentionna aussi que Wayne Cole et Ron Dart approuvaient. Ce qui lui apportait l’approbation complète pour se remarier. Fait intéressant, Raymond ne respirait pas lui-même la confiance que tout était bien ainsi.

Je n’ai pas fait moi-même une question majeure de cette affaire, mais bien d’autres l’ont fait. Je trouve marquant que, lorsque des milliers de brebis souffrirent de cette question, Herbert Armstrong et Raymond McNair se montrèrent insensibles. Mais quand vint leur tour de se remarier, cas flagrants de divorces et de remariages, tout devenait « différent ». C’est significatif.

Je pressai Raymond de questions au sujet de son « shaghaïage » antérieur. Il insista pour affirmer que cela lui était bien arrivé. Je lui fis savoir que j’aimerais continuer la conversation le lendemain matin, et il accepta. Nous fûmes d’accord pour dire que mon bureau était le meilleur endroit pour nous rencontrer.

Je lui fis savoir que j’étais au courant de ce qui était arrivé relativement à son transfert à Pasadena et à celui de Rod Meredith en Angleterre. Il y avait un concert de Fred Waring à Big Sandy, à ce moment-là, et Herbert Armstrong était venu en G-II de Californie pour y assister. Rod vint aussi. C’est là que les transferts se sont effectués. Et non seulement HWA savait-il, mais il a approuvé. Il s’était absolument impliqué. Et je savais que lui, Raymond, le savait. Raymond fit environ trois tours sur lui-même, se stationna debout et, enfin, reconnut qu’il savait qu’HWA avait su et approuvé !

« Alors, pourquoi as-tu raconté ce que tu as dit aux gens hier, Raymond ? » demandai-je.

« Eh bien, nous sommes en guerre contre les libéraux, et nous devons nous montrer forts dans cette guerre, » répondit-il.

« Mais, Raymond, Dieu exige que nous disions la vérité, » répliquai-je.

Raymond partit peu après, sans offrir d’autre explication. Il n’y en avait pas, d’ailleurs.

Des hommes conspirèrent contre d’autres à Pasadena pendant un certain temps. Plusieurs tentatives furent essayées pour prendre le pouvoir ; elles avortèrent. Mais dans chaque cas, Herbert Armstrong se retira à la dernière minute, sentant que le moment n’était pas favorable.

En 1976, il pensait que l’église finirait par être gouvernée par un comité. C’est ce qu’il me dit aux Pocono, cette année-là. C’était une des raisons commandant les très gros contrats d’HWA et de Stan Rader. HWA avait dit qu’il ne voulait pas que son « mode de vie soit réduit ». Il vivait fort bien et, lorsqu’il se maria, il voulait apporter le grand luxe. Mais une fois les contrats signés, il fut prêt pour une révolution. Il tenta d’établir le travail de préparation, cette année-là, dans la tournée festivalière, mais il échoua lamentablement. Il se prépara pour son mariage dans la première moitié de 1977, puis arriva sa maladie.

Mais, à la conférence de 1978, à Pasadena, il fut assez rétabli pour tenter de prendre le contrôle direct, c’est-à-dire, le contrôle avec Stan. Or, cela avorta. Il fit son apparition sur l’estrade, devant tous les ministres, pour confirmer son support total envers son fils Garner Ted. Il y eut la traditionnelle accolade et la répétition des mêmes paroles sous les applaudissements retentissants des ministres ! Ainsi va la politique, en religion comme dans les organisations du monde.

Stan et HWA tentèrent le coup au printemps suivant et les événements se détériorèrent à partir de là dans la hiérarchie de l’église.

Lorsque l’État de la Californie décida de jeter un coup d’œil sur les irrégularités dans les finances de l’église, HWA signa et approuva un plan d’actions recommandé par Wayne Cole, Herman Hoeh, Dave Antion et Ray Wright, anciennement du bureau des finances. Ray était dans l’ombre depuis quelques temps et il avait été écarté à cause de sérieuses allégations d’irrégularité, mais il était familiarisé avec les affaires du bureau des finances et il pouvait raconter à HWA ce que l’État trouverait quand il examinerait les registres. HWA fut convaincu du plan recommandé ― plan qu’aurait choisi toute organisation honnête. C’était le chemin de la vérité et de l’ouverture. Les affaires ecclésiastiques n’étaient pas en cause.

Le problème, c’était le mauvais usage de très grandes sommes d’argent. Herbert Armstrong semble ne jamais avoir compris l’argent. Les larges sommes n’ont pas l’air de lui être entré dans la tête. Il ne voulait que ce qu’il désirait et ne sembla porter aucun intérêt à l’argent comme tel.

Mais quand Stan entendit parler de ce qui se tramait, il sauta dans l’action. Il savait ce qui était en jeu. De son point de vue, tout était en jeu, y compris, très probablement, sa propre liberté. Il allait faire n’importe quoi pour échapper aux conséquences de ses pratiques financières et juridiques des deux dernières décennies.

Cela se traduisait par le plus grand contrôle possible de la mécanique de l’église. Par conséquent, la conspiration numéro deux prit rapidement forme. Il s’agissait d’une conspiration fomentée contre le ministère même, contre la vérité et tout ce qui la supporterait. Définitivement la pire de toutes les conspirations. Elle impliqua Raymond McNair. Il portera toujours à sa honte de s’être prêté à ce complot diabolique visant à renverser le ministère. Celui-ci était le seul espoir de sauvegarder pour l’organisation ce que l’église enseignait de manière traditionnelle. Il y avait une révolution en progression qui amenait l’église très loin de son chemin, même si la littérature disait à ses membres qu’HWA remettait les choses sur les rails. Satan apparaît en ange de lumière !

Herbert Armstrong vira capot très rapidement, car son patron réel le lui exigeait. La « Révolution de novembre », pour emprunter l’expression russe de la deuxième Révolution de 1917, éclata dans l’Église Universelle de Dieu en janvier 1979. Les parallèles y sont nombreux.

Ce qui fut dit, et par qui, à Raymond McNair, les soirs du 4 et du 5 janvier, ne m’est pas connu. Mais à en juger sa conduite pendant cette période, on doit leur avoir promis la lune, à lui et à Rod Meredith ! On fit assurément de grosses promesses.

Prendre position en ce vendredi matin-là, exclure son propre frère Burke de la réunion de l’auditorium, tenter de garder tous les ministres à l’extérieur, incluant tous les coordonnateurs régionaux qui étaient en ville, tout cela est remarquable de la part de Raymond McNair. Le travail de cette journée-là requerra un registre pour les années futures. Les ondes de choc de cet événement ne sont pas près de se calmer. Plusieurs témoins oculaires rapportent que Raymond apparut en agissant comme un insensé. Il était prêt à pourfendre, à détruire, à mentir, à blesser et à violer l’engagement pris lors de son baptême ― il était prêt à tout ! Herbert Armstrong tonna : « C’est la GUERRE ! » Et Raymond fit écho : « C’est la GUERRE ! » Et, au nom de la guerre, il était plus que prêt, même anxieux, de détruire son propre frère ― même son frère de sang ― et il en était fier. Il le faisait au nom de Dieu !

Raymond défendait son idole. Il ne voulait pas qu’on le fracasse. Peut-être, dans son esprit, se faisait-il le champion du conservatisme. Il clama qu’il oeuvrait à préserver la vraie foi. Mais elle avait tellement été diluée qu’on ne peut concevoir que Raymond puisse encore croire la défendre.

Manifester, marcher avec des pancartes, chanter à l’unisson en face des palais de justice, travailler en tandem avec les Moonies et faire cause commune avec toutes les dénominations religieuses, tout cela allait contre les propres enseignements de Raymond. Dans le passé, il avait très souvent dénoncé la « Grande Prostituée » et ses filles, les églises protestantes sorties de l’Église catholique en « protestant ». Il enseigna contre la protestation pendant de nombreuses années. Et maintenant, avoir supporté tout cela au nom d’Herbert Armstrong a dû lui causer des nuits blanches.

Peu après la révolution de janvier, je causai quelques fois avec Raymond au téléphone. Il était crispé et loin d’être ferme dans sa conversation. Je sentis qu’il était sur la défensive, manquant totalement de conviction. Il devait certainement souffrir de conflits intérieurs.

À la conférence de Tucson, plus tard dans le mois, Raymond joua sa partie ― une partie hilarante. Pendant son spectacle, toute l’assemblée ria de lui, pas avec lui. Ses déclarations étaient ridicules, alors qu’il jouait de sa batterie pour Herbert Armstrong, assis juste sur l’estrade. Même Herbert Armstrong avait honte pour lui avant qu’il n’ait terminé et qu’HWA finisse par le couper. Si jamais on se posait la question à savoir si Raymond était un bouffon, les doutes se levèrent à coup sûr ce jour-là. Par après, un certain nombre de personnes firent la remarque que Raymond s’était autodétruit pour toujours devant le ministère. Cependant, ils ne pensaient pas que Raymond demeurerait au pouvoir dans l’environnement présent. Ils ne prirent pas non plus en considération que la hiérarchie avait besoin de quelques hommes comme lui. Le dévouement de Raymond s’accrût avec la peur de son renvoi. Personne ne pouvait parler de soutenir « l’apôtre » avec autant de dévouement que Raymond McNair, sauf peut-être Gerald Waterhouse.

Dans le cas de Rod Meredith, Dennis Luker et des autres, les héros de janvier devinrent les vilains de septembre, mais Raymond resta. Il pouvait se montrer « loyal envers une faute ». Il était devenu fautif de sa propre admission.

On rapporte que Raymond est gentil et attentionné envers ceux qui lui parlent seul à seul. À une époque où il n’y avait qu’une poignée de personnes précieuses de la hiérarchie qui voulaient, ou même pouvaient, démontrer de la gentillesse, Raymond donna cette impression en privé. Je ne sais pas ce qu’il fit ensuite, quand il parla avec son patron.

Au téléphone, je m’étais arrangé pour parler à Rod Meredith au Jour du Souvenir, mais, à mon arrivée, je vis qu’il avait oublié. Je n’étais plus important à ses yeux. Lorsque je l’appelai à la maison, le matin même, il me suggéra de parler à Raymond McNair. Quand j’appelai Raymond, suggérant de lui parler pendant le déjeuner, il accepta immédiatement. Il vint me chercher et nous allâmes au Hilton de Pasadena pour déjeuner. Nous passâmes quatre heures ensemble et ce fut très intéressant.

Pendant que nous déjeunions, s’approcha Ralph Helge, avocat de l’église. Il s’adressa à Raymond et celui-ci lui demanda s’il me connaissait. Mon nom lui dit clairement quelque chose, mais il répondit rapidement qu’il ne m’avait jamais rencontré.

« Ralph, je vous ai parlé quatre ou cinq fois au fil des ans, » lui rappelai-je.

« Je ne vous ai jamais rencontré auparavant, » répliqua-t-il.

« Pourtant, oui, vous l’avez fait, » insistai-je.

Après que soit parti Ralph qui prend vite de l’âge, je racontai à Raymond que la première fois où j’ai parlé à Ralph, c’était à l’église de Glendale, au printemps de 1970, et la dernière fois, c’était lors de la conférence de 1978. Je suppose que Ralph ne se rappelle pas m’avoir parlé et je ne lui en impute pas la faute, dis-je. Mais son dogmatisme en la matière ― où je sais qu’il avait tort ― m’en révèle beaucoup sur Ralph Helge. Évidemment pas que j’en sois surpris ou désappointé. Je connaissais déjà sa réputation parmi les ministres avec qui je me mêlais. Un bon avocat doit adorer avoir un camarade comme Ralph à la barre des témoins en contre-interrogatoire.

Raymond me confia que Rod était en grand danger de perdre son poste de directeur de l’Administration Pastorale. Je lui répondis que j’avais parlé à un homme qui revenait tout juste de Tucson et qu’HWA n’avait rien à dire de bon de Rod, mais plutôt beaucoup de mal. Raymond me partagea sa pensée que Rod avait congédié beaucoup de pasteurs d’église qu’il n’avait pas besoin de licencier et qu’il croyait que j’étais l’un d’eux. Il parla de Dennis Pyle avec bienveillance. Je fus content qu’il parle de cette manière, sachant ce que Dennis avait fait pour lui. Encore une fois, je ne sais pas ce qu’il peut avoir fait en arrière-scène. Je ne sais tout simplement pas si Raymond s’est rendu coupable de duplicité dans ces affaires. En d’autres termes, tout a pu arriver.

Je lui dis qu’il était inévitable que Rod Meredith soit à la fois congédié et excommunié.

« Il n’est pas inévitable qu’il soit excommunié, » répliqua-t-il.

« Eh bien, peut-être pas inévitable, mais il le sera presque assurément pour une couple de raisons. Pour une, la loi qui fait que l’on récolte ce que l’on sème, ce qui est une bonne raison et, pour deux, Tucson voudra s’en débarrasser à coup sûr. » C’était la fin d’août, soit seulement cinq mois après sa « nomination ».

Raymond voulut savoir si je pensais qu’il existait des photos d’Herbert Armstrong nu en pleine action sexuelle. Je lui dis que j’avais entendu parler de cette histoire. En fait, je venais de l’entendre la veille, juste ici, en ville. Je ne savais pas quelle crédibilité y accorder. Bien des gens encore dans le ministère étaient sûrs qu’elles existaient. Je ne les ai pas vues moi-même. Mais je savais une chose : il serait facile de prendre HWA dans ce genre de photos. Je dis à Raymond que, si je l’avais voulu, j’aurais facilement pu montrer ce type de photos en Pennsylvanie, en 1976. Quand un homme ouvre sa porte d’hôtel complètement nu, on peut facilement avoir préparé une ou deux filles, attendant juste là, avec seulement une robe sur le dos. Elles se précipitent ensuite en enlevant leur robe. Tout ce qui vous reste à faire, c’est laisser aller votre caméra.

Ou, quand Herbert Armstrong est sous l’influence du vin, vous pouvez le travailler. Ce genre de chose se fait tous les jours. Donc, qu’il ait été d’accord ou pas, Herbert Armstrong peut facilement avoir été photographié dans une situation très compromettante et, considérant certains personnages qu’il fréquente, il a probablement déjà été photographié. Mais je n’en avais pas de confirmation positive.

Je rappelai à Raymond les enregistrements de Lochner. Il ne me dit que peu de chose à ce sujet, mais admit qu’il y avait un problème.

Nous sortîmes et prîmes sa voiture qui était stationnée du côté nord de l’Hôtel Hilton. Nous continuâmes à parler dans sa voiture immobilisée. Alors que nous discutions intensément, du moins, à mon point de vue, Raymond m’interrompit pour me demander ce que faisait « l’homme noir » derrière nous. Il était passé midi, un jour de congé à Pasadena. Il n’y avait que peu de trafic, ce matin-là. Juste derrière nous, il y avait un homme noir, peut-être dans la mi-trentaine, examinant soigneusement une voiture sport anglaise stationnée sur la rue. Raymond l’avait observé tout ce temps dans son rétroviseur. Il me demanda de regarder et de lui dire ce que j’en pensais. Je lui dis que j’allais sortir et me rendre derrière pour lui demander ce qui se passait. Raymond se raidit et me lança que nous ne devrions pas faire une chose pareille. Il me dit que je ne comprenais probablement pas ce qu’étaient les noirs en Californie. Je lui répondis que je ne m’en souciais pas. N’importe où aux Etats-Unis un citoyen devrait se sentir libre de demander à quiconque ce qu’il est en train de faire dans cette sorte de situation. Apparemment, Raymond me croyait hors de mes pompes. Je lui expliquai que mon père nous avait appris à ne jamais avoir peur de notre ombre. Nous ne devrions jamais craindre les maux imaginaires. Et il citait des personnages qui avaient toujours peur de faire à peu près n’importe quoi. C’est ce que je dis à Raymond et, encore là, il ne voulait pas que j’aille voir cet homme pour vérifier ce qu’il cherchait ou ce qu’il voulait à cette voiture.

« Il pourrait avoir un revolver et te tirer, » réagit Raymond.

« Tout peut arriver, » dis-je. « Nous ne devons rien craindre. Nous devons montrer du courage. Si tu ne t’y objectes pas, je vais simplement sortir, me rendre en arrière et voir ce qui se passe. C’est peut-être fort légitime. Qui sait ? » Raymond n’était pas d’accord. Je dis finalement : « Pourquoi ne ferais-tu pas le tour du bloc pour venir ensuite t’arrêter juste derrière lui ? Je vais ensuite me pencher et lui demander ce qu’il fait. S’il commence à tirer, je vais me jeter au sol et tu pourras débarquer. S’il t’atteint, je serai sauf. Comme ça, tu n’auras pas à t’en faire pour ton invité ! » Il ne sembla pas apprécier ma plaisanterie et il stoppa à bonne distance de l’homme et de la voiture sport. À cette distance sûre, Raymond mena sa surveillance. Et bientôt, son sujet quitta le secteur. Il se demanda quoi faire. Je lui dis que s’il se rendait au poste de police, je rapporterais l’incident. Il ne savait pas où se situait le poste, mais, au bout du compte, nous le trouvâmes au centre-ville, y entrâmes et rapportâmes ce que nous avions vu. La réceptionniste nous assura que la police allait vérifier, et je donnai nos noms et signalai que je n’étais pas du coin. Je n’ai aucune idée de ce qui est arrivé par la suite.

Je pense encore qu’il aurait été bien plus simple d’aller voir cet homme et de lui demander ce qu’il voulait à la voiture. Ç’aurait été moins compliqué.

Il est intéressant de constater qu’il y a des gens qui se pensent sans préjugés, mais qui croient vraiment que les autres races soient dangereuses. Ils affichent une peur malsaine envers les gens qu’ils ne comprennent pas.

Le lendemain matin, Raymond était dans le bureau de Rod quand j’y entrai et, depuis ce jour, je ne l’ai pas revu. Je continuai à entendre parler de son implication dans les affaires de Pasadena, dans la même foulée que par le passé. Il est encore une sorte d’énigme, tentant de nager dans des eaux dont les contre-courants sont forts. Et ceux qui ont cru qu’il était courageux physiquement et fort doctrinalement ont été désappointés aux deux chefs.