T.038 – La grande confusion

J’ai passé quatre jours avec un homme, dont le souvenir n’évoque pour moi que paradoxe. Il fut le seul dans le stage, auquel je participais, à sembler apprécier ma compagnie. Il s’assit près de moi et tandis que je me livrais à la laborieuse écoute d’une matière trop complexe (loi, fiscalité, comptabilité…), il semblait me rejoindre sur deux points : sa dénonciation d’un système capitaliste impitoyable et son détachement psychologique par rapport à ce système. A première vue, je me sentais bien avec lui, puisqu’il m’expliquait les choses avec humour, alors que tous les autres trop sérieux ne parlaient que d’argent et de rentabilité.

Comme souvent en ma présence, les discussions prennent un axe spirituel, nous ne tardâmes pas à aborder les grandes questions existentielles. Dès la première pause-déjeuner, il m’exposa avec noblesse d’esprit toutes ses croyances et je fus réellement éprouvée devant l’immense confusion qu’il tenta de semer en moi. Tandis que chacune de mes ripostes était perçue comme une écrasante marque d’orgueil, il fallait pourtant que je pose les bonnes questions et que je donne les bonnes réponses.

Ce fut navrant pour moi d’être perçue comme un clown vaniteux – un clown parce que je le faisais rire – cramponnée à des idées « grotesques et obsolètes », comme celle de ne croire qu’en un seul Dieu et en Sa création réalisée en six jours. Un clown trop vaniteux, car croyant détenir l’unique vérité, montrant donc mon inavouable « supériorité », selon lui forcément associée à des pensées fascistes. Chacune de mes paroles était perçue comme un jugement et rien de ce qui brillait en moi ne pouvait atteindre son œil.

Dieu me trouve-t-Il trop orgueilleuse à vouloir défendre la Vérité ? Que dois-je tirer de cette expérience ?

Ma leçon à retenir pourrait être que la Vérité se défend d’elle-même. Mais alors, à quoi puis-je servir ? Est-ce une marque de vanité que de souffrir de mon inutilité dans ce monde ? Jésus n’a-t-Il pas parlé du serviteur inutile ? Ai-je servi Dieu pendant ces quatre jours ?

La confusion est là, elle grandit de plus en plus. Elle est comme une immense toile d’araignée et elle veut me prendre. Je suis seule et éprouvée, je suis fatiguée de fuir. Dans tous les endroits de ce monde, je trouverai la même chose : un réseau diabolique aux valeurs inversées et aux lois contraires à celles de mon Dieu. Que le Père éternel soit mon Maître et mon secours !

Cet homme m’a dit qu’il n’y a pas de vérité, que tout est vérité, que la vérité est illusoire. Il dit que tout n’est que perception : ce que nous voyons, ce monde, nous-mêmes. Il parle d’univers parallèles, de physique quantique, de perpétuels changements. Il se dit indéfinissable, car selon lui rien n’est fini, tout est infini et on ne doit s’accrocher à rien. Il affirme que se fixer, c’est mourir et que la seule certitude ici-bas, c’est la mort.

S’il a un dieu, c’est la terre sur laquelle il vit, respire et meurt. Il parle du Yin et du Yang, car pour lui, le bien et le mal n’existent pas. Il évoque sa liberté, qu’il dit totale, et la compare à ma « prison » (mes préceptes religieux). Il semble avoir pitié de moi.

Dieu sait combien de personnes ici-bas pensent comme lui. Si je l’ai rencontré, ce n’est pas par hasard. Le Seigneur me confronte au monde ; Il me confronte à sa médiocre réalité pour que la Vérité grandisse en moi.

Mais moi, je vais mal. Je ne suis pas imperméable. Les choses que je repousse s’imprègnent en moi. Ma lumière ne brille plus :

Je veux être amour, mais l’image que je donne en est si loin.

Je veux prouver ma liberté, mais on me voit captive et on me plaint.

Je veux être compatissante, mais on se heurte à mon intolérance.

Je dis ce que je pense et on s’irrite de mon « orgueil ».

Je dis ce en quoi je crois et je perds toute crédibilité.

Pourquoi suis-je au seuil du nouvel-âge ? Pourquoi tout ce que je touche, tout ce que je côtoie en fait indéniablement partie ? Si je suis contrainte à intégrer un groupe, ce sont ses partisans qui entrent en communication avec moi, comme si nous nous attirions. Si je fuis, je me retrouve dans l’isolement.

Quand j’affiche mon appartenance au vrai Dieu, on se moque ouvertement de moi. Je dois supporter les railleries et les blasphèmes… Mais cela n’est pas important, puisque Son Nom m’est préférable à tous les trésors de la terre, et Sa Gloire, à celle que recherchent les humains.

Savoir que le chemin sur lequel je marche est étroit et savoir que les tourments et persécutions sont ma norme terrestre ne me console pas. Ma seule consolation réside dans l’affection que Dieu me porte. Mais où est-elle ?

Le système est une sangsue immense qui aspire l’énergie et noie les rêves humains dans une mare d’injustice. Je n’ai plus d’énergie. Je n’ai bientôt plus de rêves. Je suis tout juste capable de prononcer cette courte prière :

« Seigneur, donne-moi Ta Pensée, remplis-moi de Ta force.

Manifeste-moi Ta Bonté, entoure-moi de Ta Présence.

Ne me laisse pas oublier quelle est Ta Volonté. »

Le système me dicte un chemin qui n’est pas fait pour moi. Il me pousse à adorer l’argent et à ne vivre que pour le faire fructifier. Il me pousse dans la misère en générant des dettes. Il me fait croire qu’il y a beaucoup de mérite à s’enrichir, que le bonheur repose sur l’ambition.

Les hommes de ce siècle me suggèrent une voie bien courante, celle qui contourne l’injustice et pallie les lacunes de ce système, afin de faire des bénéfices et de ne pas couler. Mais même si on la dit légitime, c’est la voie de la fraude.

Y a-t-il un autre chemin ? Comment échapper au système tout en restant intègre ?

Celui qui ne fait plus la différence entre le bien et le mal ne cherche que son propre intérêt. Or mon intérêt, c’est de suivre le Seigneur et de ne pas me perdre loin de Sa Justice. Pourtant, ma route n’est pas balisée, le brouillard s’épaissit et je n’y vois plus rien.

Le désir de suivre le Christ est-il suffisamment gravé en moi ? Suis-je capable de chercher Sa volonté ? La peur d’échouer est-elle si forte pour me faire dérailler ?

Cet homme aux croyances paradoxales, qui me disait que tout le monde dit la vérité – parce que, selon lui, il n’y a pas de vérité unique – et qui pourtant ne voulait pas de la mienne, croit que l’univers est régi par des énergies.

Par des paroles et pensées négatives, j’appelle l’échec, dit-il. Mais qui est maître de ses pensées ? Qui parvient à n’en générer que des bonnes, des pures, des constructives ?

Je voudrais n’être qu’un avec le Seigneur pour ne plus penser par moi-même. Car je sais que la liberté de pensée est une illusion. Le mental est soumis à la loi du péché ; il est programmé pour obéir au mal et servir au plan de Satan.

Or, la seule manière d’échapper au mensonge, c’est en trouvant la délivrance par la foi dans le Sacrifice de Jésus-Christ, en me fiant à Sa Parole et en vivant par Sa Grâce.

Il ne voit pas les barreaux de sa cage. Il ferme les yeux, pratique la méditation transcendantale ; il « se vide de lui-même » et ne fait plus qu’un avec la terre ; il « sort de son corps » et visite la galaxie. Pour lui, rien n’existe et le bonheur consiste à en prendre conscience et, donc à profiter du moment présent. « Nous sommes tous reliés, » dit-il, « et un petit caillou a autant d’importance qu’un être humain ».

Il dit qu’il est divin, car « le divin est en chacun ». Il affirme que chaque créature est « parfaite », même les êtres humains qui commettent des actes pervers. La vérité de chacun est bonne puisque tout est « relatif », puisque tout change et que rien n’est certain… Comment fait-il pour vivre sans certitude ?

Combien de personnes sont-elles prises dans cette étrange religion ? Pourquoi leur nombre augmente-t-il aussi rapidement ? C’est une vague immense qui balaie toute la terre ; celui qui ne sait pas nager apprend à flotter dans la vague, et celui qui nage à l’encontre finit par couler, à moins d’être sauvé par Dieu Lui-même.

Qui peut avoir assez de force pour lutter contre la puissance de ce courant diabolique ? Je n’ai de force que celle d’attendre le divin secours.

Si je n’existe pas, ma souffrance n’existe pas non plus. Mais à quoi je sers ? Pourquoi je vis ? Ne suis-je qu’un amas d’énergie qui se transforme ?

Certes, il est bien aisé dans cette philosophie de maîtriser la souffrance existentielle de l’Homme sans Créateur, mais y trouve-t-il réellement une motivation pour vivre ?

Pour ma part, même dans la souffrance, je veux continuer à croire que pour mon Dieu, j’existe. Je veux garder en moi la certitude de Son Amour et puiser dans ma foi ma seule raison d’être.

Faite à Son image, je veux chanter pour Lui, sans jamais laisser l’impie me dicter ma conduite. Emplie de Son Esprit, je veux briller pour Lui, sans laisser rien ni personne éteindre ma lumière. Je veux défendre mes idées sans rougir, sans me taire. J’aimerais goûter au bonheur d’être à plusieurs pour aimer Dieu, plutôt que de Le servir misérablement en solitaire.

Ce qui est vraiment frustrant, c’est que les partisans du nouvel-âge ne sont pas seuls. Ils font partie d’un très grand réseau et se sentent bien partout. Ils ont la faculté de s’adapter comme des caméléons, d’adopter une pensée par intérêt ou de relativiser les choses pour les rendre supportables. Ils sont capables de jouir de la vie, disposant d’un tas de techniques pour se débarrasser de ce qui leur pèse et pour atteindre le bien-être qu’ils affichent si fièrement. Ils sont « connectés » les uns aux autres, ils ne sont jamais seuls !

Là est peut-être la plus grande tentation : celui qui vit pour être fidèle à la Vérité suivant l’exemple du Christ – « venu dans le monde pour rendre témoignage à la Vérité » (Jean 18:37) – se retrouve comme un agneau entouré de loups ; l’amitié entre l’agneau et le loup étant improbable. Le Berger tarde à arriver et l’agneau se dit parfois qu’être un loup, ça doit être formidable.

« J’ai porté envie aux insensés, voyant la prospérité des méchants. Car ils ne sont point liés jusqu’à leur mort, et leur force est en son entier. Quand les mortels sont en peine, ils n’y sont point, ils ne sont point frappés avec les humains. C’est pourquoi l’orgueil les entoure comme un collier, la violence les couvre comme un vêtement. Leurs yeux sont enflés à force d’embonpoint ; les désirs de leur cœur se font jour. Ils sont moqueurs et parlent méchamment d’opprimer, ils parlent avec hauteur. Ils portent leur bouche jusqu’au ciel, et leur langue parcourt la terre. […] Ceux-là sont des méchants, et, toujours heureux, ils amassent des richesses » (Psaumes 73:3-9 et 12).

Pourtant, en toutes circonstances, il faut garder à l’esprit que le plus important reste à venir. Le plus important n’est pas encore visible.

Dans le règne présent, celui du matérialisme, de l’argent, du pouvoir élitiste et de la séduction charnelle, on ne voit que l’injustice des hommes ; la justice de Dieu est invisible, mais cela ne la rend pas inexistante. Un jour, l’avidité, la cupidité, l’avarice, la perfidie et l’hypocrisie seront mises à nu ; tous les voiles tomberont. Tout ce qui aura tenté et éprouvé les enfants de Dieu n’aura plus aucune force, plus aucun impact ni aucun intérêt.

Ce sera la fin soudaine de ces choses, qui sera de grand intérêt, car Dieu rendra à chacun selon ses œuvres : ceux qui auront fait preuve de malice auront mal et ceux qui auront fait preuve d’orgueil seront humiliés. Ceux qui auront séduit à tort et à travers ne seront plus séduisants, ils connaîtront le tourment d’être rejetés. Et ceux qui auront adoré la richesse n’auront plus rien à posséder, ni rien derrière quoi se cacher.

« J’ai donc réfléchi pour comprendre ces choses, et cela m’a semblé fort difficile ; jusqu’à ce qu’entré dans les sanctuaires de Dieu, j’aie pris garde à la fin de ces gens-là. Car tu les mets en des lieux glissants ; tu les fais tomber dans des précipices. Comme ils sont détruits en un moment ! Enlevés et consumés par une destruction soudaine ! Tel un songe quand on s’éveille, ainsi, Seigneur, à ton réveil tu mets en mépris leur vaine apparence » (Psaumes 73:16-20).

Le réveil de Dieu ne signifie pas qu’Il dort, comme peuvent le croire beaucoup de personnes qui, face à la misère croissante, se détournent de Lui en le pensant inactif, absent ou inexistant.

Le réveil du Seigneur est une image pour figurer Son glorieux retour sur la terre en temps que Juge redoutable qui vient détrôner les puissants quand la très longue période de grâce arrivera à son terme. Pendant des siècles, Dieu a été plus que patient ; cette miséricordieuse patience peut être figurée comme un long sommeil.

Alors écoute, mon âme, ne les envie pas ! Regarde-les avec les deux yeux : un œil qui les voit au travers de la Loi divine – violée, profanée, ignorée – et les répercussions à venir ; et l’autre œil qui les voit au travers de la Miséricorde divine afin de ne pas les haïr, ni les mépriser et garder l’espoir de leur repentance.

Que le fort prie pour le faible, car tous les membres du corps ne sont pas égaux en force ni en sagesse. L’envie et le manque se trouve en chacun, assez pour avoir pensé au moins une fois combien le chemin large semble préférable.

Que Dieu protège et défende Son peuple.

Soyez bénis,

Anne-Gaëlle