T.023 – L’humilité

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Elle est ce que mon cœur désire. Et plus je la désire, plus elle s’éloigne de moi. Lorsque je suis remplie de la crainte d’avoir trop d’orgueil, j’en découvre toujours davantage ; et je m’aperçois que mon cœur est loin d’être humble comme je voudrais qu’il le soit.

Où est l’humilité ? Où se cache-t-elle ? Dans le dépouillement matériel ? Dans l’observance de la loi ? Dans l’abnégation de soi ? Dans l’auto-flagellation ? Dans l’adoration de Dieu ?

Mon âme est si triste, car, quelle que soit ma volonté, ma nature charnelle constitue en elle-même un obstacle à mon aspiration la plus profonde.

L’aspiration la plus profonde du chrétien est de vivre en parfaite union avec son Dieu, d’être un avec Lui, sans jamais laisser quoique ce soit entraver cette réjouissante fusion spirituelle par l’Esprit Saint. L’Esprit de Dieu fait beaucoup de choses, Il accomplit beaucoup d’exploits, mais Il ne fait rien à notre place. Car l’Eternel Dieu n’est pas un marionnettiste, Il veut des enfants libres. Libre de réfléchir, d’agir et de prendre des initiatives. Il souhaite que nous nous dirigions vers le bon cap, mais Il ne conduit pas le bateau à notre place.

L’humilité est nécessaire à une relation vraie et sincère avec notre Créateur. Elle est fondamentale pour jouir d’une complicité sans faille avec Lui. Et pourtant, si souvent, l’être humain tombe dans le piège de la fausse humilité, sans même s’en rendre compte…

Quand je crois être humble, c’est là que je me trompe. Quand je crois être un bon exemple pour mes concitoyens et qu’au fond de moi-même, je m’en vante, c’est là que Dieu ouvre les écluses du Ciel : non pour faire couler une pluie de sagesse et de bénédictions bien méritée, mais pour laisser tomber une épreuve dure comme un gros rocher, ceci afin d’effriter la croûte de fierté de nos cœurs endurcis.

« Et je laisserai au milieu de toi un peuple humble et faible, et il mettra sa confiance dans le nom de l’Éternel » (Sophonie 3:12).

Dieu, par nos épreuves, nous enseigne l’humilité. Il enlève tout ce sur quoi nous nous appuyions afin que nous soyons peu à peu en mesure de prendre conscience de notre faiblesse. Quand je m’aperçois combien tout ce qui m’entoure est grand – mes épreuves, mes problèmes et tous les maux de la terre – je réalise alors combien je suis petite et incapable de changer quoique ce soit. Bien sûr, je peux essayer : je peux bricoler, planifier, travailler à fond sur tel ou tel projet, je peux tout miser, je peux tout investir et me tuer à la tâche, mais, au bout d’un moment, je comprendrai que c’est en vain. Et tout cela restera vain jusqu’à ce que j’assimile à quel point l’être humain est vaniteux et que je mesure tout l’orgueil de ses ambitions et de ses efforts. C’est alors que je lèverai les yeux vers Celui qui est au-dessus de toutes vanités terrestres, vers le Dieu vivant, Créateur et Rédempteur.

Quand je prends vraiment conscience de ma petitesse, alors je prends conscience de la grandeur de Dieu. Je pense que c’est le chemin de l’adoration véritable : je me regarde moi, je comprends mon insignifiance, et j’échappe à ma bassesse et à ma propre folie en levant les yeux vers l’Auteur de la Sagesse et de l’Amour parfait, le Seul, l’Unique, le Véritable. Alors mon regard se perd dans Sa Grandeur, dans Sa Majesté qui m’éblouit, et je reste là, les yeux levés vers Lui, sans ne plus vouloir les poser sur moi-même.

« Ainsi a dit l’Éternel : Le ciel est mon trône, et la terre mon marchepied. Quelle maison me bâtirez-vous ? Quel lieu sera celui de mon repos ? Car toutes ces choses, ma main les a faites, et toutes ces choses existent par elle, dit l’Éternel. Et voici à qui je regarde : à celui qui est humble, qui a l’esprit abattu, et qui tremble à ma parole » (Esaie 66:1-2).

Il y a aussi le chemin inverse : je regarde à Dieu et me dis qu’Il est vraiment grand, puis je regarde à moi et je me dis « je suis petite ». Mais généralement ce chemin-là n’aboutit pas à la véritable humilité, ni à la véritable adoration. J’ai souvent vu des pécheurs justifier leur conduite par ce raisonnement, et de faux adorateurs manifester malgré eux une étonnante fierté… Dieu est si grand, Il est venu vers moi, donc j’en vaux la peine ! Il a dû voir mon potentiel ou mes efforts, alors Il est venu me donner un coup de pouce, et voilà maintenant je suis un Fils de Dieu, une créature divine, extraordinaire, unique, semblable au Père, presque aussi parfait que les anges… Donc, à mes yeux, je ne suis plus petit. D’ailleurs, ayant déjà reçu l’immortalité (selon la croyance chrétienne populaire), je suis un « Highlander ». Mon enveloppe charnelle est certes un peu contraignante, mais bientôt j’en serai débarrassé, alors je peux me voir comme je suis : « au-dessous », selon ma nature surnaturelle de « nouveau-né de Dieu » et ma « nouvelle identité en Christ »… Dans ce cheminement trompeur, le regard ne se perd pas dans la splendeur de Dieu, mais dans la prétendue splendeur du soi. Cette louange est nombriliste, elle ne peut toucher le cœur de Dieu.

Dieu m’a bel et bien donné une identité, mais elle ne me donne pas la faculté surnaturelle de braver tout et n’importe quoi. Je reste une petite créature fragile, dont le souffle vient de Dieu et dont la vie ne tient à pas grand-chose. C’est justement en me voyant ainsi, telle que je suis dans ma chair et dans les aléas de ma vie – que je ne maîtrise guère – que je suis encline à me soumettre à mon Créateur et à me confier entièrement en mon Sauveur.

L’abattement de mon esprit face à mon propre orgueil qui me désole – ou face à l’orgueil humain en général, causant tant de douleurs et d’injustices – est une bonne chose. Tant pis si je suis triste, c’est une bonne tristesse. C’est une tristesse sainte, qui monte jusqu’au cœur de Dieu.

« Car ainsi a dit le Très-Haut, qui habite une demeure éternelle, et dont le nom est saint : J’habite dans le lieu haut et saint, et avec l’homme abattu et humble d’esprit, pour ranimer l’esprit des humbles, pour ranimer le cœur de ceux qui sont abattus » (Esaïe 57:15).

Ce mal-être occasionne une réflexion, une remise en question et une recherche de délivrance qui ne peut se trouver qu’en Dieu. Comme une sensation de deuil, on voudrait jeter de la cendre sur sa tête et s’en recouvrir complètement. On voudrait déchirer ses habits. La douleur d’être si faible fait mourir les illusions et les rêves démesurés. Elle fait mourir le héros que l’on croyait être. Et pourtant, c’est une délicieuse sensation que d’être ponctuellement épuré du levain de l’orgueil. Cette délivrance est toujours ponctuelle, car il suffit d’une miette de levain pour lever toute la pate…

Je n’aime pas souffrir, mais j’aime ce que m’apprend ma souffrance. Je n’aime pas les coups, mais j’aime avoir appris quelque chose et j’aime surtout le retenir. Avec les coups, on retient plus facilement la leçon. Je n’aime pas me prendre une claque, mais j’aime la sensation de légèreté ressentie juste après, parce que la gifle a fait tomber des choses encore plus douloureuses : des croyances et des mensonges qui me nuisaient inconsciemment.

« La pauvreté et l’ignominie arriveront à celui qui rejette l’instruction ; mais celui qui profite de la réprimande, sera honoré » (Proverbe 18:13).

Se sentir petit devient un véritable bonheur. Car se sentir petit, c’est rechercher en Dieu la complémentarité. Ce qui est petit cherche ce qui est grand. Ce qui est faible cherche ce qui est fort. Ce qui est sans force cherche ce qui est puissant. Ce qui est fragile cherche la protection. On dit bien qu’en général, les opposés s’attirent. On recherche chez l’autre ce que l’on n’est pas, ou du moins ce que l’on voudrait être… C’est valable avec Dieu.

Quand je regarde à la Grandeur et à la Toute-puissance de Dieu, ainsi qu’à Sa Sainteté et à Sa nature éternelle, je ne suis qu’un minuscule grain de sable, je ne suis presque rien. Mon existence me paraît vraiment éphémère, si courte, si futile. Alors je peux me dire « je ne suis rien et je n’existe pas ». Parce que les hommes les plus illustres et les plus célèbres sont devenus poussière. Parce que les plus grandes cathédrales, que les plus brillants architectes ont construites, peuvent s’effondrer dans un tremblement de terre. Parce que les plus belles œuvres d’art vieillissent et ne sauront pas résister au temps qui érode et anéantit la vie. Parce que même l’argent perd de sa valeur. Parce que les noms les plus honorés tomberont tôt ou tard dans la fosse de l’oubli.

« Et j’ai considéré tous les ouvrages que mes mains avaient faits, et le travail auquel je m’étais livré pour les faire ; et voici, tout est vanité et tourment d’esprit ; et il n’y a aucun avantage sous le soleil » (Ecclésiaste 2:11).

« Tout homme est abruti dans sa science, tout orfèvre est honteux de son image taillée ; car les idoles ne sont que mensonge ; il n’y a point de respiration en elles ; elles ne sont que vanité, œuvre de tromperie ; elles périront au temps où Dieu les visitera » (Jérémie 10:14-15).

« Tout ce que ta main trouve à faire, fais-le selon ton pouvoir ; car il n’y a ni œuvre, ni pensée, ni science, ni sagesse, dans le Sépulcre où tu vas » (Ecclésiaste 9:10).

Oui, la vie n’est pas grand-chose ici-bas. Je ne suis moi-même pas grand-chose. Et pourtant, ce petit rien que je suis, Dieu le considère et Dieu l’aime. C’est bien cela qui me remplit d’admiration. Mais pour connaître cette vénération sublime de la bonté de Dieu, il faut avoir compris au préalable que nous ne sommes rien. C’est cet état d’esprit, cette juste vision de notre condition humaine et de la bassesse de notre nature, qui nous attire vers Dieu et qui attire le cœur de Dieu vers notre misère. Comme disait Jésus : « Ce ne sont pas ceux qui sont en santé qui ont besoin de médecin ; mais ceux qui se portent mal. Je suis venu appeler à la repentance, non les justes, mais les pécheurs » (Luc 5:31-32).

Reconnaître ma petitesse devient alors source de joie : tout devient moins écrasant, et la vie devient moins oppressante. La société, avec toutes ses attentes et ses critères de jugement, recule tout au fond de la toile : ses exigences deviennent floues et perdent leur importance. Car même la société devra un jour apprendre sa petitesse aux yeux de Dieu.

Apprendre ma petitesse me libère et me permet d’être moi-même, dans toute l’humilité avec laquelle j’ai été engendrée, lorsque j’ai été mise au monde : nue, minuscule, sortant des entrailles d’une femme en sueur. Cette humilité avec laquelle mes ancêtres ont été modelés : tiré de la poussière de la terre, ou faite à partir d’une simple côte.

« L’orgueil de l’homme l’abaisse ; mais celui qui est humble d’esprit, obtient la gloire » (Proverbe 29:23).

La gloire authentique n’est pas forcément visible sur cette terre. Elle peut être intérieure, sous la forme d’une Paix extraordinaire et d’une joie ineffable. Elle peut être sous la forme de l’Amour qui se donne sans compter et sans espérer rien en retour. Elle peut être dans l’union intime et merveilleuse avec mon Sauveur, quand je Lui suis soumise, en toute confiance. Elle peut être dans la parfaite sécurité ressentie sous les ailes de mon Père, Créateur de l’univers. La gloire est également à venir, mais nous n’en avons qu’une idée si vague, que cette gloire là, indescriptible, inimaginable pour nos yeux habitués à l’obscurité, ne doit pas être un sujet de vantardise. Concentrons-nous sur la Gloire de Dieu, plutôt que sur la nôtre.

« La crainte de l’Éternel enseigne la sagesse, et l’humilité va devant la gloire » (Proverbe 15:33).

Réfugions-nous à la place où notre Père, dont l’immensité remplit les cieux, nous a mis : au statut d’enfants, de « tout-petits », que Jésus notre Seigneur a pris en exemple. N’oublions pas le chemin qui fut le Sien : « Car vous connaissez la charité de notre Seigneur Jésus-Christ, qui, étant riche, s’est fait pauvre pour vous, afin que par sa pauvreté vous fussiez rendus riches » (2 Corinthiens 8:9).

Ne recherchons pas la gloire ni la richesse terrestre qui nous rempliraient d’orgueil. Ne nous trompons pas nous-mêmes. Ne croyons pas que l’humilité est une qualité de cœur acquise une fois pour toute. Mais considérons-là comme une destination, qui nécessite tout un cheminement parsemé d’embûches et d’épreuves difficiles. Elle est la leçon la plus dure à apprendre et elle demande toute une vie. Le peuple d’Israël a dû errer quarante années dans le désert, mais l’avait-il apprise ?

« Jeunes gens, soyez soumis aux anciens, et vous soumettant tous les uns aux autres, revêtez-vous d’humilité ; car Dieu résiste aux orgueilleux, mais il fait grâce aux humbles » (1 Pierre 5:5).

Ne soyons-pas en inimitié avec notre Dieu parce qu’Il nous place quelquefois dans le désert, nous qui sommes tout aussi imperméables au divin apprentissage. Mais courons nous réfugier auprès de Lui, avec la mentalité d’un petit poussin tout juste éclos de son œuf. Aux yeux de Dieu, nos expériences passées et notre âge ne nous exemptent pas de notre condition.

« Il te couvrira de ses plumes, et tu auras retraite sous ses ailes ; sa vérité sera ton bouclier et ton écu » (Psaume 91:4).

« Éternel, tu conserves les hommes et les bêtes. Ô Dieu, que ta bonté est précieuse ! Aussi les fils des hommes se retirent sous l’ombre de tes ailes. Ils sont rassasiés de l’abondance de ta maison, et tu les abreuves au fleuve de tes délices. Car la source de la vie est auprès de toi ; c’est par ta lumière que nous voyons la lumière. Continue ta faveur à ceux qui te connaissent, et ta justice aux hommes droits de cœur. Que le pied de l’orgueilleux n’approche pas de moi, et que la main du méchant ne m’ébranle pas ! » (Psaume 36:7-12).

Que l’humilité soit notre quête, afin de toucher le cœur de Dieu et de nous délivrer de nous-mêmes.

Que notre condition ici-bas soit le plancher sur lequel nous nous agenouillons, tandis que nous fléchissons le genou dans une adoration sincère, celle de la créature pour son Créateur et celle du racheté pour son Rédempteur.

Que dans notre petitesse, l’Amour de notre Bien-aimé nous console et nous assure Sa divine tendresse. Soyez bénis !

Anne-Gaëlle

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