T.010 – Les méditations d’un endeuillé

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Je déteste la mort qui me prend un à un les êtres que j’aime. Je la méprise du plus profond de mon âme.

Ce n’est pas Dieu que je hais, c’est la mort avec laquelle l’ennemi frappe ma maison.

Si Dieu estime que je suis assez forte pour le supporter, Lui seul en est juge. Lui seul sait pourquoi.

Non, Seigneur, ce n’est pas à Toi que je tiens rancune, mais à mon ennemie. Cette mort inéluctable qui me nargue et détruit ce que je croyais avoir. Et c’est aussi un peu à moi-même, car je n’ai pas su préserver la vie. Mais qui est l’homme pour se battre contre la mort ?

La mort arrive toujours à l’heure où l’on ne l’a pas invité, où l’on ne songe même pas à elle. Elle est là, elle s’invite et vient voler ce qui ne lui appartient pas.

La mort est une vantarde, elle a plus d’un tour dans son sac et arrive toujours à ses fins. Un semblant de victoire remporté contre elle – lorsqu’elle menace de pointer son nez – ne garantit pas la fin de la guerre.

Pourquoi ne sait-on pas à l’avance qui et quand elle vient prendre ? On prendrait mieux soin des êtres que l’on aime, on les chérirait plus, on les surveillerait. Et on aurait la chance de leur faire de beaux adieux.

Mais au lieu de cela, c’est quand le corps est froid et que l’âme n’est plus à l’intérieur que l’on vient dire au revoir. Et bien sûr, l’être qui repose en silence n’est plus en mesure d’entendre notre sanglotant discours plein de regrets.

A-t-on encore envie de vivre quand la Faucheuse vient nous faucher notre amour ?

A-t-on encore envie d’aimer et de se battre ?

A ceci je répondrai une seule chose : rien ne se passe sous le soleil sans la permission de Dieu. S’Il a le droit de donner, Il a aussi le droit de reprendre.

Quelle leçon en tirer ? Que l’homme est de bien basse condition et que, même s’il se prend pour Dieu en croyant maîtriser la vie, la maladie, la guérison, il restera toujours – aussi longtemps que dure encore ce monde – assujetti à la mort.

C’est une leçon d’humilité et de foi : si la vie sur terre est si fragile, si on ne peut rien en espérer qui dépasse ses faibles limites, alors on a besoin de Dieu et de Sa promesse qui s’avère être notre seule consolation.

Ennemie impitoyable, tu penses donc me prendre tout ce que j’ai ! Tu crois ainsi me détourner de Dieu ?

Je t’entends qui ricane : « Comment un Dieu d’amour peut-Il laisser crever ceux que tu aimes ?! »

Non, je ne renierai pas mon Dieu, au contraire. Je me laisserai consoler par lui ! Je le laisserai essuyer toutes mes larmes.

Je scruterai l’horizon en cherchant du regard les bénédictions qu’Il a préparées pour moi. Je chercherai Ses bienfaits dans mes heures d’infortune.

Car mon Sauveur n’est pas un Dieu sadique, qui reprend ce qu’Il donne en riant, comme un enfant espiègle préparant en cachette un mauvais coup. Mon Dieu n’est pas ainsi. Il ne m’a pas créée pour me regarder de loin subir et souffrir, tels les spectateurs assoiffés de scandales et d’atrocités, ces personnes sans compassion qui passent des heures à lire des potins et à regarder dans des émissions perverses le malheur des autres.

Mon Dieu n’aime pas que je souffre. Il m’a certes mise dans ce monde assujetti à la mort, mais Il m’a donné le gage de Son Amour : Sa promesse d’une victoire finale, où la mort sera engloutie par la vie. C’est cette promesse qui essuie mes larmes.

Mon Sauveur connait les liens qui m’unissaient aux êtres qui disparaissent si subitement. Il perçoit parfaitement ma sensation de manque et Lui seul saura de quelle manière la combler.

Je ne dirai pas que l’Amour de Jésus est un baume magique qui efface instantanément le manque, sinon je ne me blottirais pas contre Lui à cet instant, recherchant pendant de longues heures la guérison pour mon manque et ma peine. Mais je place ma foi en mon Dieu, qui a dit de Lui-même : « je suis la résurrection et la vie » (Jean 11:25).

Peut m’importe de savoir aujourd’hui si les êtres que la mort me dérobe seront présents dans le monde à venir, je dépose ce désir entre les mains de Dieu. Il est le Père bienveillant qui sait comment bénir, consoler, choyer les enfants qu’Il aime. Il sait comment compenser les douleurs et les injustices. Et moi je crois qu’Il est en mesure de répondre à mon désir, aussi absurde et impossible puisse-t-il paraître.

Aux yeux de Dieu, mon deuil n’est pas absurde, ma douleur n’est pas minime.

Je ne souffre pas comme le Christ a souffert, mais je souffre et Dieu le voit.

Je voudrais m’endormir et me réveiller au retour glorieux de mon Sauveur… Mais à quoi cela Lui servirait-il ? Il fait disparaître les êtres que j’aime mais moi, Il ne me fait pas disparaître. Il me garde en vie, dans Ses bras.

Pourquoi ? Ai-je raison de demander pourquoi ? N’est-ce pas à Lui de choisir ?

L’esprit du monde est-il tant imprégné en moi que je cherche à rivaliser avec Dieu ?

Les humains choisissent qui doit vivre et qui doit mourir. L’esprit du monde se croit capable et, éthiquement parlant, libre d’en décider.

On tue des petits enfants dans le ventre des mères, des petits êtres qui déjà ont une âme, un cœur, un ressenti. On tue des personnes malades car on croit leur rendre service. On les laisse partir vers nulle part, sans leur parler de Dieu qui les aime et qui est en mesure de calmer leur souffrance. On tue des personnes à la guerre, car dans ce contexte, tout est permis. On se tue soi-même, quand on en a marre de la vie…

Cette mentalité de vouloir choisir est-elle si ancrée dans le genre humain que nous ne puissions la remettre en question ?

J’ai choisi de laisser Dieu être Dieu, de Le laisser choisir. Ceci peut sembler bien lâche, et pourtant, il faut beaucoup de courage pour continuer à croire et à se laisser aimer de Dieu, et à aimer Dieu quoi qu’il arrive. Il faut du courage pour parler de la mort et de l’amour de Dieu, qui sont aux yeux du monde deux sujets incompatibles.

Le petit être que j’ai perdu me manque et il est bon qu’il en soit ainsi. Cela me montre que quelque soient les épreuves, mon cœur ne s’endurcie pas. Il ne faut pas que mon cœur s’endurcisse.

Je n’ai pas le droit d’en vouloir à mon Sauveur. J’ai le devoir de Lui faire confiance.

J’ai le droit de pleurer. Je n’ai pas le devoir de faire semblant d’être joyeuse.

J’ai le droit de venir chercher le réconfort auprès de Lui. J’ai le devoir de ne pas imposer aux autres ma souffrance.

Droits et devoirs, ce sont les miens et Dieu en a d’autres. Je ne suis pas à Sa place même si j’aimerais comprendre.

Un jour, le Seigneur Jésus répondra personnellement à toutes mes questions. Que Dieu nous donne à tous la patience d’attendre ce jour ! Qu’Il garde ses élus de la tentation de se détourner de Lui ou de bouder trop longtemps, quand ceux-ci subissent deuil, pertes et injustices.

Car nous sommes responsables pour notre guérison, grâce au soutien de notre Dieu et la volonté de continuer à cheminer avec Lui.

Avec l’aide du Saint-Esprit, nous pouvons élever notre regard vers Celui qui est « le commencement et la fin » (Apocalypse 22:13), ce qui nous offrira la perspective de voir au-delà de toute fin terrestre, et la force de supporter le caractère éphémère de tout ce que nous chérissons.

Que le Seigneur nous fortifie tous !

Anne-Gaëlle

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